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À vingt heures trente, vous auriez pu apercevoir une jeune femme sortir en trombe du bâtiment où elle travaillait, claquer la porte, la verrouiller aussi vite que son sens de l'adresse le lui permettait, puis sauter rapidement dans sa voiture. Mariel fit rugir le vieux moteur et quelques minutes après, vous auriez pu la croiser sur l'autoroute Zemka, et voir son tacot zigzaguer entre les véhicules qu'elle trouva particulièrement lents à ce moment là. Vous l'auriez probablement aussi surprise à griller un feu rouge, mordre un trottoir pour éviter une voiture ou refuser de céder une priorité. Quand elle arriva dans l'enceinte de l'université, on entendit le crissement de ses roues au moment où ses freins usés immobilisèrent le véhicule. Mariel se mit à courir pour rejoindre l'amphithéâtre 4.
Elle savait exactement qui elle allait retrouver. Son plan avait été préparé la veille, de manière précipitée et imposée, mais préparé. Elle poussa les lourdes portes de l'immense salle et profita de cette entrée de cinéma pour reprendre son souffle. Quatre paires d'yeux se retournèrent incrédules vers elle, surprises par le vacarme qu'avait provoqué les portes en se fracassant contre le mur.
Mariel prit quelques secondes pour s'assurer que tout se présentait comme son ami le lui avait indiqué. Effectivement, quatre hommes installés au milieu des sièges de l'amphi, avaient des stylos en mains, des ordinateurs allumés et d'épais bouquins parsemés tout autour d'eux, un air sérieux et concentré collé au visage.
C'était le moment d'entrer en scène.
- Mati ! Mati ! C'est ta mère ! Elle est à l'hôpital !
Les regards se firent plus insistants sur la jeune femme, ce qui la rendit mal à l'aise. C'est en croisant le regard dubitatif d'un des garçons, celui aux cheveux châtains clairs, courts et savamment courbés vers l'arrière, qu'elle remarqua le moment d'interrogation et de doute qui planait au dessus d'eux. Cependant, elle ne put pas rater les gros yeux que lui lançait le fameux Mati.
- Je croyais que c'était ta grand-mère qui était à l'hôpital ? demanda le garçon en frottant sa barbe.
La voix grave et suspicieuse du premier garçon au regard bleu et sévère qui toisait maintenant le jeune homme concerné, eu l'effet d'une lame dans sa poitrine. Elle venait de faire une boulette.
Mariel, toujours haletante, se permit une improvisation. Elle inspira profondément, et se courba légèrement pour poser ses mains sur ses genoux, comme pour reprendre son souffle.
- Oui, j'ai ... j'ai pas fini, expliqua-t-elle entre deux respirations. Ta mère est à l'hôpital, ta grand-mère a eu un accident.
Mariel fut satisfaite de voir le doute et l'incompréhension quitter les prunelles des deux autres hommes présents, sauf celles du jeune homme aux yeux bleus.
- Je suis désolé les gars, je vais devoir y aller, commença Mati faussement paniqué en réunissant ses affaires. Je vous envoie ma partie ce soir si vous voulez. - Nan, t'inquiète pas mec. Va voir ta grand-mère, j'espère que c'est pas trop grave, s'inquiéta le garçon à la peau brune. - Demain, midi au plus tard, contredit le plus méfiant d'un ton sec.
Il reçut de la part des deux autres un regard désapprobateur mais aucun ne se permit de remarque. Mati s'autorisa un regard de défi mais réussit à se contrôler à temps pour finir par acquiescer légèrement de la tête. Il fit virevolter son sac à dos sur son épaule et suivit à la trace son amie qui l'avait déjà devancé en trottinant. On put entendre la porte claquer une nouvelle fois, laissant l'amphithéâtre un peu plus vide que précédemment.
Les deux étudiants gardèrent un visage stoïque et fermé jusqu'à ce qu'ils soient à une distance respectable de la salle où se trouvaient leurs camarades puis dans un même son aigu, ils explosèrent de rire. Ils se tapèrent dans la main et sautèrent sur place dans un moment d'euphorie. L'adrénaline retombant lentement, la jeune femme reprit son souffle et stoppa ses rires.
- Putain, c'était trop marrant ! - T'es grave, t'as failli tout faire foirer ! Ta mère est à l'hôpital, singea-t-il son amie. - Tu sais très bien que mon tel c'est de la merde ! Mon écran est fissuré de partout, j'arrive à lire un mot sur trois ! Le « grand », il a sauté, désolée ! - C'est pas grave tu t'es bien rattrapée, rit-il en repensant à la pirouette inventée par son amie.
Une fois confortablement installés dans la vieille Ford, Mati se rendit compte qu'il avait oublié un de ses livres de cours dans l'amphithéâtre à l'écart de ses collègues qui s'y trouvaient encore. Les deux amis entrèrent dans une courte bataille pendant laquelle chacun expliqua ses avantages et ses inconvénients à se confronter une nouvelle fois aux trois étudiants.
Mariel souffla longuement et se résolut à faire pour la troisième fois le même chemin. Elle traversa une nouvelle fois l'entrée de l'amphi, angoissée à l'idée de recroiser ces regards inquisiteurs mais elle eut le bonheur de retrouver une salle vide et sombre. Elle illumina la pièce et repéra rapidement le livre que Mati lui avait décrit, sur le bureau du professeur.
Elle s'apprêtait à rebrousser chemin lorsqu'elle discerna une lumière sous un siège. Elle fut d'abord intriguée, se demandant si quelqu'un n'avait pas perdu une boucle d'oreille en diamant qui se reflétait grâce aux lampes, mais en s'approchant, elle comprit rapidement qu'il s'agissait d'un téléphone qui était encore branché en charge. Elle saisit l'objet dans ses mains et remarqua qu'un numéro masqué tentait de joindre le propriétaire. Elle prit quelques secondes à débattre intérieurement de s'il fallait qu'elle décroche ou pas. Certes, c'était une intrusion dans la vie privée de cette personne mais peut-être était-ce le seul moyen de pouvoir lui restituer son bien. Le temps de peser le pour et le contre, la lumière annonçant l'appel s'éteignit. Elle souffla, elle qui avait retenu sa respiration en apercevant le téléphone sonner et décida de déposer ce dernier aux objets trouvés le lendemain sans y toucher.
La sonnerie de son propre appareil mobile retentit et elle ne put même pas déchiffrer le nom de la personne qui cherchait à la joindre tant son écran était abîmé. Elle décrocha tant bien que mal pour finir par entendre Mati beugler dans le combiné, non content du temps que prenait son amie pour revenir. L'oreille toujours fixé à son téléphone qui déconnait de plus en plus, elle regarda le bijou de technologie qu'elle avait en main et sourit alors qu'une pensée lui traversait l'esprit.