Je vous propose de commencer cette nouvelle année sur un petit discours qu'on m'a demandé afin d'instiller un peu de désir de paix. Du coup, je partage : on a tous besoin de trouver un peu de paix dans ce monde que nous nous acharnons à rendre dur.
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Mes frères et sœurs d'humanité, fils de mes pères, filles de mes mères, nous sommes au premier jour du reste de nos vies. Ne le verrez-vous pas ?
Je ne vous dirai pas que l'heure est grave. Je ne vous dirai pas l'état terrible du monde. Je ne vous dirai pas les surfaces de forêt rasées, le nombre d'espèces exterminées, les quantités de polluants déversés dans l'eau, dans l'air, dans la terre. Je ne vous dirai pas les violences faites aux hommes, aux femmes, aux enfants, aux animaux. Je ne vous dirai pas les guerres qui, à chaque instant, ensanglantent le monde. Je ne vous dirai pas l'extrême richesse de quelques uns et la terrible pauvreté de tous les autres. Je ne vous dirai pas l'égoïsme, le racisme, le sexisme, le sadisme, l'obscurantisme. Je ne vous dirai pas les profits faits par ceux qui ont tout intérêt à la misère et à l'ignorance pour poursuivre le commerce des armes et l'exploitation de l'humanité et des écosystèmes. Je ne vous dirai pas que nous sommes les premiers à si bien comprendre tout ça et les derniers à pouvoir agir efficacement. Je ne vous dirai pas que l'heure est grave, non : vous le savez déjà. Mais savoir n'est pas comprendre.
Vous savez les conflits perpétuels menés pour une offense, pour un accès à l'eau, pour un bout de terre, pour une idée, pour de l'argent. Vous savez les souffrances de vos voisins, les sacrifices de vos aïeux et les dangers pour vos enfants. Vous savez. Et pourtant vous riez tandis qu'on pleure, et pourtant vous vous gavez tandis qu'on dépérit, et pourtant vous vous enivrez tandis qu'on se dessèche, et pourtant vous espérez tandis qu'on perd espoir.
Partout dans le monde, la pauvreté s'enrichit, la faim dévore, la soif submerge, le désert croît et se fortifie, la vie se meurt, le chômage recrute, la tyrannie est élue et l'humanité devient bestiale. L'Europe a porté sa civilisation en Afrique, en Asie, en Amérique, en Océanie, et même en Antarctique ; elle a découvert l'Atlantique, l'Océan Indien, le Pacifique, et même l'Océan Arctique, et partout elle a instauré le culte de l'argent, le désir du pouvoir, le mépris de demain et l'oubli du passé. Partout des graines de mort ont été semées, des frontières créées, piétinées, bouleversées, des identités effacées, bafouées, mutilées, et partout la technologie a porté au pouvoir une humanité plus vorace, plus destructrice, plus dangereuse, plus asservissante et plus asservie. Une humanité qui vient peu à peu à bout de son humanité, une espèce qui est sur le point de détruire son écosystème, dont il tire pourtant sa seule et unique subsistance.
Il n'est pas une guerre qui, dans notre histoire, n'a pu se dérouler sans l'exploitation de la misère par la richesse. Car celui qu'on envoie au combat n'est pas celui qui possède, mais celui qui manque. Et c'est la faim, la soif, le froid, la crainte pour les siens qui arment les peuples les uns contre les autres. C'est l'absence de compétence des gouvernants à assurer la décence des conditions de vie de leurs peuples qui produit les guerres. C'est le citoyen qui reconnaît le loup comme berger qui se conduit lui-même à l'abattoir. C'est le parent aimant qui enseigne la haine à ses enfants qui en fait des êtres méprisants et méprisables, imperméables au bonheur et à la solidarité, à la paix, enfin.
Parce qu'il faut avoir connu la faim pour comprendre qu'il faut semer pour demain. Parce qu'il faut avoir connu la soif pour comprendre qu'il faut préserver l'eau comme un bien précieux et commun. Parce qu'il faut avoir connu la maladie pour comprendre qu'il faut protéger la vie. Parce qu'il faut avoir connu la guerre pour chérir la paix. Parce qu'il faut avoir connu la mort pour adorer la vie.
Or, notre espèce est ainsi faite qu'elle n'apprend pas dans les livres, qu'elle n'apprend pas de la bouche de ses anciens, qu'elle n'apprend pas dans les écoles — ou qu'elle oublie. Nous n'apprenons vraiment que de nos erreurs à nous, si certains de notre supériorité de vivants que les leçons des morts nous semblent de honteuses confessions de vaincus, si certains de la fatalité de la marche du monde que nos paresses en sont sans cesse légitimées, si certains de la bêtise des autres que nous nous avilissons dans nos égoïsmes jaloux à jouir de l'avoir sans se soucier de l'être.
Alors je peux le dire aujourd'hui sans ciller : vous, mes frères et sœurs d'humanité, vous blesserez vos proches de peur qu'ils ne vous blessent, vous détruirez l'étranger de peur qu'il ne vous détruise, vous dévorerez le monde de peur que d'autres n'en dévorent votre part, et vous souillerez le reste de peur que d'autres ne le souillent malgré vous. Et vous connaîtrez la souffrance de la précarité, l'horreur de la guerre, l'obsession de la faim et le vertige de la maladie et de la mort.
Alors seulement, vous comprendrez. Vous comprendrez que vous aimez la vie, que vous aimez le monde, que vous aimez les autres. Que vous voulez la paix. Mais il sera trop tard, car vous serez tout seul, haïssant et haï, affamé et assoiffé, malade et aux portes de la mort. Et il sera trop tard.
Je ne vous dirai pas qu'il est temps de se dresser, à chaque seconde de chaque minute de chaque heure de chaque jour de chaque semaine de chaque mois de chaque année de votre existence. Je ne vous le dirai pas. Vous le savez déjà.
Je vous dirai seulement, fils de mes pères, filles de mes mères, mes frères et sœurs d'humanité, que vous n'êtes pas seuls, que nous sommes des milliards à travers le monde à aimer, à espérer, à s'indigner, et à vouloir faire front, main dans la main, face à ceux qui font profit de la misère, face à ceux qui font commerce de la mort. Regardez autour de vous cet autre qui respire, cet autre qui rit, cet autre qui marche, et reconnaissez en lui votre frère, votre sœur ; reconnaissez en chaque humain l'être qui vous rend plus fort, plus beau, plus courageux, plus intelligent, et tendons ensemble nos mains pour cueillir gaiement le plus doux de tous les fruits, le seul qui vaille la peine de se lever d'un seul corps, de parler d'une seule voix, de battre d'un seul cœur : la paix.
Car la paix est comme l'amour une denrée qui croît et se multiplie à mesure qu'on le donne, enrichissant celui qui le prodigue comme celui qui le reçoit, et c'est à l'ombre douce de la paix que s'élèvent les esprits, que grandissent les cœurs et poussent les rêves et le pouvoir de les réaliser. Chaque guerre a honoré ses martyrs et a porté aux nues ces êtres de lumière qui ont vanté la paix et dénoncé l'horreur, et chaque guerre a convaincu que la paix était un bien suprême. Recueillons désormais avec reconnaissance cet héritage ancien, qui malgré son grand âge nous parle de demain, et chérissons enfin cette sagesse ultime pour laquelle on est mort : la guerre n'apporte rien sinon la certitude que la paix par-dessus tout est un bien supérieur.
A l'heure où les derniers de nos ancêtres ayant subi la deuxième guerre mondiale sont en train de disparaître, prenons garde que leurs souffrances n'aient pas été vaines et que nos enfants sachent ce qu'ils ont enduré. Car si chaque guerre a tué son lot d'innocents, peu de nous survivraient à un nouvel embrasement du monde.
Mia Pace, 15 ans, discours d'ouverture de la Conférence pour la Paix devant les représentants de l'Organisation des Nations Unies et le monde, 18 juin 2020, Bagdad, Irak.
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Journal d'un militant.
RandomParce qu'à ceux qui se cachent derrière un "Tous pourris !" pour ne se battre pour rien je ne veux pas me contenter de répondre un méprisant "Tous navrants." ; et parce qu'à 7 milliards d'êtres humains qui souffrent à cause de quelques centaines de...