Alice

Classe

Aujourd'hui, Alice ne s'est pas assise à sa place habituelle. Elle est pourtant la première rentrée, mais Alice reste au fond de la classe, derrière la foule bruyante.

Elle garde les yeux fixés sur Thomas. Le jeune garçon est au beau milieu de la classe, seul. Une place qu'Alice déteste. Elle n'aime pas la sensation de foule, qui chasse l'air.

Elle se mord la lèvre. Thomas tourne la tête vers sa place habituelle, et elle le voit froncer les sourcils en voyant qu'elle n'est pas là.

Soudain, une voix murmure à son oreille d'aller s'asseoir à côté de Thomas. Elle se retourne pour rencontrer le regard moqueur de Victor. Il ajoute que personne ne le fera, qu'il a acheté ses amis, et va s'asseoir à sa place. Près de la fenêtre. 

Le cours va commencer. Histoire. Alice hésite. Alice a peur, juste un peu. S'asseoir à côté de Thomas, comme lui ordonne le regard sévère de Victor ? Ou pas?

Mais la voix de la professeur résonne, la rappelle à la réalité en la priant de trouver une place. Alice est la seule encore debout, et tous les yeux se braquent sur elle. Elle parcourt du regard les rares places de libres. Elles se trouvent à côté de personnes insipides, qui lui jettent des regards méprisants quand elles pensent qu'Alice ne les voient pas. La jeune fille les fuit comme la peste.

Thomas se retourne et lui adresse un sourire lumineux, un sourire ouvert et un peu hésitant, timide, comme s'il se demande pourquoi elle ne vient pas. Alice aime ce sourire, c'est le plus beau qu'elle ait jamais vu. Elle a envie de le dessiner. Alors elle inspire, parce que ses genoux sont faibles et que ses mains sont moites, et elle pose son sac à côté de celui du sportif.

Ils ne se parlent pas, au grand désespoir de la bande de Thomas. Alice note le cours  avec soin, et Thomas essaie de faire de même. Mais le rythme est trop rapide, il lui manque des notions complètes. Alice, du coin de l'œil, suit la course du stylo de son voisin. Thomas rougit de honte quand il remarque son manège, et il tente de cacher les dégâts. Il veut l'impressionner. Il veut qu'elle ne le prenne pas pour le cliché du sportif sociable qui se moque des cours. Mais c'est raté, le prof parle trop vite, et il perd le fil. Rageur, il pose son stylo. 

Lors d'une pose dans le flot de paroles, la jeune fille griffonne une phrase dans la marge de la feuille de Thomas. Le jeune garçon lit l'écriture pointue, intrigué. Son cœur fait un bond quand il comprend qu'elle lui propose de lui passer son cours écrit au propre. Il prend son stylo, accepte d'une réponse tremblante, et attend une nouvelle accalmie pour pousser sa feuille vers Alice. La jeune fille esquisse un sourire et lui tend la main pour sceller leur marché. 

La sang de Thomas rugit à ses oreilles, il serre brièvement la main menue. Vite, il la retire. Il a chaud, sa paume est moite, pas l'idéal pour un contact agréable. Mais Alice lui sourit. Encore. Thomas a l'impression que la jeune fille lui accorde ce petit miracle de plus en plus facilement, et cette pensée l'enchante. Il lui sourit en retour, mais elle a déjà repris son stylo pour noter la conclusion. 

La sonnerie, la fin du cours. Thomas cligne des yeux, surpris. Déjà? 

Alice, comme à son habitude, prend son temps pour ranger ses affaires. Thomas remarque la minuscule peluche porte-clef qui pend à sa trousse. Une petite créature noire, qui lui fait penser à une taupe.

La jeune fille va partir, déjà, et Thomas cherche dans son esprit vide une phrase pour la retenir, pour pouvoir entendre le son de sa voix de nouveau...

Il lui demande d'un ton altéré quel animal représente la peluche. Alice lui lance un regard surpris, puis explique d'une voix basse, très vite, comme si elle craignait qu'il la tourne en dérision. C'est un Niffleur, une créature de l'univers de Harry Potter. 

Thomas ne connait pas Harry Potter. Il compte bien réparer cela, alors il saute sur Victor et lui explique d'une voix frénétique son prochain projet. Il sait que son ami a les livre et les films chez lui.

Le problème? C'est son insupportable petite sœur qui garde la collection.