Ce soir, Thomas regarde son portable trembler dans sa main. L'écran affiche un nouveau contact.
Alice.
Il aurait aimé pouvoir inscrire le nom avec toute la douceur de ses formes, les couleurs de ses vêtements, la chaleur de son sourire et les arabesque de sa personnalité, mais il doit se contenter des caractères d'imprimerie. Froids, bruts, sans saveur et sans tout ce qui fait Alice.
Thomas a entré le numéro. Il a enregistré le contact.
Il doit juste envoyer un message.
Thomas a envisagé d'appeler Alice, l'espace d'une seconde. Cette pensée a été rejetée aussitôt formée. Alice n'aimerait pas qu'on l'appelle, Thomas en a la certitude. Trop contraignant, trop rapide, trop stressant.
S'il doit être honnête avec lui-même, Thomas préfère aussi les messages. Son cœur déjà bien éprouvé ne supporterait pas d'entendre le son de la voix douce, un peu grave. Il a déjà la sensation que ses doigts ne veulent plus coopérer alors qu'il tape sur le clavier tactile.
Cinq lettres. Thomas a l'impression de sprinter sur un marathon.
Cinq lettres banales, pour former un mot banal, qui vont être lus par une personne extraordinaire.
Salut.
Thomas hésite, le pouce au-dessus du petit symbole de l'avion en papier. Il a peur, terriblement peur. Même quand son oncle l'a traîné pour faire un saut en parachute, il avait moins le trac.
Il inspire, se répète en vain qu'elle lui a donné son numéro. Elle doit s'attendre à ce qu'il lui envoie un message. Elle doit le vouloir.
Son pouce s'approche de l'écran, toujours plus près...
Avant de s'éloigner.
Thomas jette son portable sur son lit, et le mince objet rebondit sur le matelas lorsqu'il se laisse tomber à son tour.
Quand sa mère l'appelle pour manger, Thomas descend avec la vitesse et l'enthousiasme d'un zombie. Il n'a pas pu. Il n'a pas pu envoyer ce message de cinq lettre, ce tout petit mot si important.
Il ne remarque que sa mère a fait des lasagnes que lorsqu'il est en train de les mâcher. C'est bizarre. Sa mère fait un régime, ce qui peut se traduire par: salade tous les soirs.
Il lève les yeux vers elle, et ne reçoit qu'un sourire fatigué en réponse. Le cœur de l'adolescent se réchauffe, et il lui sourit en retour. Elle sait. Thomas ne sait pas comment, mais elle sait.
Pour une fois, il est content du célèbre sixième sens de celle qui vous a mis au monde.
Thomas propose de débarrasser, et sa mère accepte. Elle va aller en haut pendre le linge pendant ce temps, c'est très gentil mon chéri. Thomas hausse une épaule blasée et ils rient.
Plus tard, quand il rentre dans sa chambre, le portable de Thomas vibre. Un message, sans doute de Victor, alors Thomas prend le temps d'enfiler le vieux T-Shirt qui lui sert de pyjama avant d'allumer l'écran.
Son coeur manque un ou deux battements en voyant le nom affiché.
Un nom écrit sans arabesque, noir sur blanc, mais dont le son évoque le terrier du lapin blanc. Un nom de cinq lettres.
Alice.
Thomas ne le sait pas, mais dans le salon, sa mère sourit d'un air satisfait en sirotant sa tisane.
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Alice
General FictionThomas aime Alice. Mais Alice ne regarde pas Thomas, Alice est perdue dans son monde. Alors Thomas va l'y rejoindre.