C'est l'heure du cours de français. Dans la salle de classe silencieuse, seuls résonnent la voix de M.Berton et le grattement de stylos sur le papier. Après tout, il y a le Bac à la fin de l'année. Et les élèves, par un mystérieux instinct de survie, ont senti que leur professeur n'était pas de ceux qui se laissent mener à la baguette.
Seul Thomas ne note pas. Il a son stylo dans la main pourtant. Mais il a oublié. Oublié d'écrire, la voix soporifique, la salle de classe. Thomas regarde Alice.
Elle est jolie, Alice. Magnifique. Elle ne ressemble à aucune autre, avec ses douces boucles cuivrées entourant son visage rond parsemé de tâches de rousseur. Elle porte un pull rouille aujourd'hui. Thomas pourrait passer des heures à la regarder.
Alice note le cours. Français, c'est le seul qu'elle prend la peine de suivre. Le reste du temps, elle griffonne dans un petit carnet à la couverture rouge. Thomas crève d'envie d'en connaître le contenu. Mais il n'ose pas. Parce que pour cela, il faudrait aller voir Alice, lui parler, et qu'il ne sait pas comment faire.
Alice et lui sont à des millions d'années lumière.
Elle est l'une des rares élèves de la filière Littéraire. Lui est en ES.
Elle dessine et reste seule. Lui fait de l'athlétisme, du basket et est toujours avec quelqu'un.
Elle ne parle pas beaucoup. Lui ne supporte pas le silence.
Elle est intelligente, lui doit travailler des heures pour arriver à un résultat passable.Alice est une étoile filante, et Thomas est juste un adolescent ordinaire.
Alors il l'a contemple, de loin. À force, il connait ses manies. Il aime se les rejouer comme une scène de film. Alice, c'est un assemblage de petits détails insignifiants qui forment un tableau pittoresque mais unique.
Elle s'assoit toujours à la même place : premier rang, près de la fenêtre. Elle secoue doucement son stylo quand elle réfléchit. Elle se mordille la lèvre inférieure. Elle n'a jamais mis de verni à ongles. Ses cahiers sont brouillons, mais complets. Elle écrit, dessine. Le matin, elle regarde le Soleil se lever.
La cloche sonne. Comme d'habitude, c'est la ruée vers l'extérieur. Comme d'habitude, il prend son sac de sport pour son entraînement du soir. Et comme d'habitude, il se retourne et fait signe à ses amis de partir.
Elle range ses affaires, avec soin, dans son sac bleu usé. Sans se presser, elle le met sur l'épaule gauche, elle enfile sa longue écharpe multicolore, et elle sort sans lui accorder un regard. Il ne s'en vexe pas, elle est ailleurs et cela se voit. Elle est toujours dans son monde.
Le problème, c'est qu'il ne sait pas comment l'y rejoindre.
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Alice
Genel KurguThomas aime Alice. Mais Alice ne regarde pas Thomas, Alice est perdue dans son monde. Alors Thomas va l'y rejoindre.