14. Mission sauver Hippolyte, Camille !

977 57 248
                                    


C'est Bettina qui m'a réveillé le lendemain matin.

— T'aurais dû venir à la soirée.

J'ai ouvert les yeux et elle était assise au bout de mon lit avec un grand sourire, un eye-liner impeccablement tracé et une longue robe de coton blanc.
Ma première hypothèse a été que je faisais une paralysie du sommeil. Mais je lui ai très violemment lancé un oreiller par réflexe, ce qui signifiait que je pouvais bouger et qui m'a amené à ma seconde hypothèse : c'était probablement juste une journée très chiante, que je méritais sûrement — un juste retour du karma je suppose, la punition divine pour les péchés commis ou quelque chose comme ça.
J'ai essayé de me rendormir avec irritation, mais il se trouvait que Bettina était en forme.

– Je te jure que si, elle m'a assuré en esquivant l'oreiller. T'as fait quoi hier soir ?

Ce que j'avais fait hier.

Oh.

Je me suis arrêté net et j'ai juste cligné des yeux en regardant le parquet de ma chambre, parce que ce que j'avais fait hier soir m'était revenu, et que j'avais décidément des problèmes beaucoup plus importants que Bettina dans ma chambre.

— J'ai dormi, j'ai dit sans quitter des yeux la latte de parquet, un peu en pilote automatique.

Est-ce que c'était un rêve de fièvre ? Est-ce que j'avais halluciné les douze dernières heures ? J'ai failli toucher mes lèvres avec ma main avant de me rendre compte de ce que j'étais sur le point de faire avec dégoût. C'était une catastrophe. Oh mon dieu. Qu'est-ce que j'allais faire de moi. Je me suis tourné vers Bettina avec terreur, parce que ce que j'étais en train de penser était sûrement écrit sur mon visage, mais elle a juste hoché la tête avec un air intéressé même si il était clair qu'elle me m'écoutait pas, et puis elle a haussé les épaules. J'ai dégluti.

— Cool. Bref, revenons-en à moi. J'ai embrassé un garçon.

— Toi aussi ?, j'ai soufflé sans vraiment m'en rendre compte - même mon pilote automatique pouvait se moquer de Bettina.

Je l'ai quand même toisée. En vérité, j'étais un peu intéressé.
Quelqu'un avait donc accepté l'inacceptable. Je me suis demandé si c'était pour un pari ou si Bettina avait eu un autre épisode dépressif sur le bar et que quelqu'un l'avait vu et de pitié avait payé un garçon au mœurs légères ou à l'ouïe douteuse pour le faire. Les années 2010. La société évoluait donc.
Bettina n'a pas eu l'air de vraiment comprendre ce que j'ai dit et a probablement juste retenu l'absence d'insultes, parce qu'elle a souri en repliant ses jambes devant elle, très satisfaite de son effet.

— Tu veux que je te raconte ?

J'ai cligné des yeux et pour une raison inconnue, un flashback de la veille particulièrement saisissant m'est venu et j'ai été pris d'un sentiment de déjà vu si puissant que je me suis sincèrement demandé si j'avais passé la nuit à me le repasser en boucle, même dans mon sommeil. Gabriel. Gabriel Gabriel Gabriel Gabriel Gabriel Gabriel Gabriel Gabriel. J'avais besoin d'une lobotomie en urgence.

— S'il-te plaît, je l'ai implorée, animé d'un désir désespéré de penser à autre chose.

Bettina a eu un sourire radieux et j'ai eu très peur qu'elle me prenne dans ses bras.

— Donc. En gros on était chez le mec chiant qui parle à Decembre sur snap depuis une semaine. Et genre il est devenu lourd. Mais vraiment lourd. Sirius est arrivé et lui a juste donné un coup de poing. C'est parti en couille. Du coup il a plus de lunettes.

— Le mec chiant a cassé ses lunettes ?, j'ai répété.

Un cerveau. C'était vrai. J'avais quelque chose du genre.

L'AUBE DES DERNIERSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant