Le matin d'après, Bettina ignorait mon regard et, à chaque fois qu'elle le croisait finalement, elle me lançait de petits sourires sournois.
J'arrivais pas à croire qu'elle était toujours de bonne humeur.
Comment le gant de toilette trempé d'eau glacée que j'avais appliqué sur son visage pour la réveiller à huit heures n'avait-il pas réussi à ternir sa victoire ?
N'y avait-il pas un minimum de justice dans ma médiocre existence ?
J'ai compris que non à ma première crise d'éternuement. Il fallait croire que la baignade de la veille m'avait fait attraper froid.
Je partais au front de cette Guerre Pour La Clé avec un handicap décisif.À côté de ça, Agathe nous observait faire avec ahurissement. J'avais ma fierté, et l'option de lui raconter la nuit d'hier risquait de terriblement nuire à mon autorité et à mon image de puissant grand frère, et quant à Bettina, elle avait bien trop peur de partager avec elle les nombres du numéro de Gabriel qu'elle avait acquis la veille. Bref, nous deux avions nos raisons de ne pas la mettre au courant, malgré l'étrangeté de la situation.
— Oh, il reste trois nombres à mettre, tu as une idée Bettina ?, j'ai sifflé en brandissant devant son visage un ticket de loto qu'Agathe avait commencé à remplir alors que nous étions tous les trois attablés dans le jardin après manger.
— Oui, c'est drôle, je vois bien le 57, mais pour les deux derniers j'ai pas d'idées, par contre je pense que TU en as une, Bettina m'a répondu en entourant rageusement le 57 sur le billet avant de me le rendre.
Je l'ai empoigné avec fureur.
— Si tu y tiens, d'accord, je vais les choisir : QUINZE, l'âge que tu as, et... quel est le nombre maximum du loto ? Ah oui, CINQUANTE-NEUF, L'ÂGE QUE TU AURAS QUAND TU CONNAÎTRAS LA TOTALITÉ DE CE NUMÉRO, j'ai craché en rendant le loto à Agathe.
On avait appuyé le stylo si fort sur le cinquante sept, le quinze et le cinquante neuf, que la feuille était presque trouée.
Ma soeur, bouche bée, a lentement récupéré le billet.
J'allais lancer une insulte cinglante à ma cousine, mais un de nos téléphones a reçu une notification, me stoppant dans mon élan. J'ai entendu Agathe soupirer en voyant qu'il s'agissait de celui de Bettina, mais j'étais bien trop occupé à haïr cette dernière pour me souvenir de me moquer d'elle et de son espoir vain.
Hélas, je n'avais toujours pas trouvé qui était la mystérieuse personne avec qui ma sœur échangeait des messages. Mais ce n'était qu'une question de temps ; elle était bien trop nulle pour me cacher un secret de cette envergure.— Matilda propose une virée shopping demain en ville.
J'ai roulé des yeux.
C'était suicidaire.
Trente-sept degrés étaient annoncés pour demain, et n'importe quel idiot savait que les magasins étaient bondés les samedis après-midi.
N'importe quels idiots sauf ceux de la Villosa, il fallait croire.Bettina s'est mordu la lèvre.
— Oh, bof, il fait trop ch—
— Réponds-lui qu'on y sera., je l'ai coupé, très fier de moi.
Tant pis pour la chaleur et pour le monde. Rien ne valait l'agacement de Bettina.
Et c'est pour ça que le jour suivant, on était onze à être agglutinés sous l'abribus du village en attendant le car qui devait nous emmener en ville.
La Pool Party de l'autre fois avait eu le mérite de me faire rencontrer la presque totalité des neufs de la Vill'Osa ; Will était le brun qui avait l'air blasé et qui regardait tout le monde avec mépris, et Theo était le blond aux longs cils qui restait collé à Matilda et à qui Maud semblait s'intéresser.
Et puis il y avait une fille, yeux bridés et cheveux noirs, qui restait un peu à l'écart et qui parlait peu, mais qui avait l'air de bien faire rire Sirius et Mat' quand elle souriait avant de leur glisser deux mots que j'étais trop loin pour entendre. J'en ai déduit que c'était elle la Adeline-alias-Ada dont j'avais pu entendre parler.
J'ai observé Will et Theo en me demandant si c'était sur un d'eux qu'Agathe avait jeté son dévolu, mais je n'ai récolté qu'un regard de dédain de la part de Will. Je l'ai mentalement maudit, et je me suis laissé tomber sur le banc entre Decembre et Hippolyte. Decembre avait les yeux rivés sur son téléphone et grimaçait d'agacement.
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L'AUBE DES DERNIERS
Novela JuvenilC'est l'été et comme d'habitude Camille et sa famille s'installent dans leur maison de vacances ; les calanques, les cigales, le ventilateur dans la chambre, les moustiques, la piscine, les soirées sur la plage et le grand manoir dans la langueur de...