Sauf qu'à 22h les faits ne laissaient plus de place au doute et j'ai dû me rendre à l'évidence. J'avais fait une erreur de calcul, encore, et j'étais fichu, toujours. Il était inutile de se battre à ce stade-là ; il était très clair que les moires avaient fait leur choix et quel choix en effet ! J'étais prisonnier du manoir, prisonnier de mon devoir, ligoté à ma tragoedia - chante Ô Muse la chute du divin Camille, Frankides, qui pensait avoir son chant d'Achille mais qui n'aurait jamais rien d'autre que le chant du bouc. Je n'avais qu'une seule famille complète, et peut-être que c'était celle des fleuristes et que la mère des fleuristes était super bonne, d'après Sirius et Hippolyte en tous cas, mais Decembre avait déjà les maçons ET les boulangers, et j'aurais pu la rattraper parce que j'avais 6 cartes de la famille des bouchers dans la main, mais en y réfléchissant vraiment j'étais presque sûr d'avoir vu Hippolyte manger celle du père quand personne le regardait un peu avant, et maintenant j'avais l'impression que tout le gâteau que j'avais avalé allait remonter, et j'avais vraiment du mal à gérer la manière dont Sirius et Hippolyte objectifiaient la mère des fleuristes, et puis il y avait aussi le fait que je venais de demander à Gabriel le frère des professeurs et qu'il venait d'esquisser un sourire diabolique et de se pencher sur moi pour me susurrer que non, il ne l'avait pas, et je me demandais comment on était passés de la signature du traité dans la véranda aux shots de whisky, surtout qu'en sortant de la véranda j'avais été plutôt content de moi et maintenant j'avais plutôt envie de mourir, et rien que je pensais n'était clair.Ça s'était fait en l'espace d'une heure seulement en vérité.
C'était de la faute de Decembre et Sirius, comme d'habitude. Tout allait très bien, le gâteau était terminé, j'avais fini d'expliquer le plan Hippolda, Sirius et Decembre avaient arrêté d'essayer de se noyer dans la piscine et je n'avais toujours pas vraiment parlé à Gabriel depuis la véranda parce qu'aucune occasion ne s'était présentée, ce qui me convenait parfaitement. Il semblait que la soirée touchait à sa fin et que cette journée infernale allait s'arrêter, et j'allais pouvoir me coucher dans mon lit en profitant du calme de la maison puisque Bettina et Brandon étaient toujours au marché nocturne, pour penser à mon indépendance nouvelle et à toutes les filles avec lesquelles j'allais pouvoir avoir des rapports érotiques maintenant que j'avais éradiqué les tendances homosexuelles de mon corps ou autres activité auxquelles j'avais l'habitude de me livrer le soir avant cet été, mais hélas. Au moment où j'allais me lever de table pour les accompagner poliment à la porte avec une promesse de se revoir le lendemain, Hippolyte a posé un verre à whisky devant moi, Decembre a sorti un jeu de cartes de sa poche et Sirius a retiré sa cravate.
Je les ai tous regardés un par un avant de décider de traiter le problème stratégiquement.— D'où est-ce que tu sors ces verres à whisky ?, j'ai demandé à Hippolyte avec un sourire bienveillant et une voix calme.
— Ah, c'est des verres à whisky ?, il a répondu en sortant quatre autres verres à whisky de dessous la table.
Je me suis dit que ce n'était rien finalement, juste Hippolyte qui avait du mal avec la vaisselle, mais ensuite Sirius a sorti une bouteille de whisky toujours de dessous la table et j'ai commencé à vraiment m'inquiéter.
— D'où est-ce que tu sors cette bouteille de whisky ?, j'ai demandé, mon sourire bienveillant vacillant légèrement et ma voix juste un peu moins calme.
— Shhhh, a postillonné Sirius en posant son index sur mes lèvres.
— De dessous la table, a fait Gabriel en posant sa tête sur son point avec un air ennuyé.
Je lui ai lancé un regard irrité et il m'a souri. Jusque là j'avais fait tout mon possible pour ne pas penser au moment dans la véranda et à la conclusion à laquelle on était arrivés. Ça avait à peu près marché. Je savais que si je cédais aux pensées, j'allais sûrement tomber dans une autre spirale de folie et que, pire encore que d'aller à l'église me confesser, j'aurais peut-être une nouvelle fois tiré Gabriel dans la véranda pour lui dire que je ne pensais pas un mot de ce que j'avais dit et que je voulais qu'on se marie, et j'aurais peut-être même fermé la veranda avec lui dedans ensuite, et alors on m'aurait arrêté pour sequestration ou bien meurtre selon la réponse qu'il aurait quant à mes avances, et je ne pouvais vraiment plus laisser ce genre de choses menacer mon avenir professionel. Pas la spirale de folie toujours liée à Gabriel. J'en avais fini avec ces histoires. J'étais sorti de cette véranda en un homme nouveau. J'étais capable de gérer mes émotions et sentiments, comme une personne normale.
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L'AUBE DES DERNIERS
Fiksi RemajaC'est l'été et comme d'habitude Camille et sa famille s'installent dans leur maison de vacances ; les calanques, les cigales, le ventilateur dans la chambre, les moustiques, la piscine, les soirées sur la plage et le grand manoir dans la langueur de...