Un appartement plongé dans le silence et l'obscurité. Il est quatre heures du matin. De l'autre côté des fenêtres entrouvertes, la rue est éclairée mais déserte, silencieuse. Tellement silencieuse que les passants pourraient presque entendre la paisible respiration de l'occupant de cet appartement du premier étage de Comberly Street. Nils Owen. Quand soudain, un bruit strident déchira la nuit. La sonnerie d'un téléphone qui retentit, dans le vide, sans obtenir aucune réponse. Le répondeur finit par se déclencher et on entendit une voix masculine:
-Owen? Owen, vous êtes là?
Dans le lit, l'interpelé ouvrit un œil fatigué, puis l'autre. Merde. Son boss.
-Owen, j'ai besoin de vous, immédiatement.
Va te faire foutre Lori!
La voix s'interrompit, assez longtemps pour que Nils caresse l'espoir qu'elle ait abandonné. Mais en vain. La voix claqua, sèche.
-Owen, si vous ne décrochez pas immédiatement, je ferai en sorte que vous ne puissiez plus jamais bénéficier d'une véritable nuit de sommeil.
L'homme bondit. Cet enfoiré d'Alec Lori était bien capable de mettre sa menace à exécution. Il décrocha et porta le combiné à son oreille.
-Ouais?
-Je savais que vous étiez réveillé.
Ça, c'était exactement pourquoi Owen ne pouvait pas supporter son boss. Il savait toujours tout. Et il avait toujours besoin de le montrer. Déjà horripilé alors qu'il n'avait pas prononcé deux mots, il tenta de rattraper le coup.
-En fait je viens juste de...
-Peu importe, le coupa Lori, j'ai besoin de vous. Maintenant.
A ce moment précis, n'importe quel humain normalement constitué avec un job classique trouverait une excuse pour se soustraire à son devoir professionnel. Sauf que Nils n'a pas un job classique. Et quand il est une nouvelle recrue dans la police scientifique et que son boss requiert sa présence immédiate, l'humain normalement constitué n'a d'autre choix que d'obtempérer.
-Très bien monsieur.
-Chance Avenue, je vous attends devant le numéro 3.
Et il raccrocha sur ces mots. Nils poussa un énorme soupir, à défaut de pouvoir balancer les gros mots qui lui venaient à l'esprit et pour se calmer, se mit à repenser au rêve duquel il avait brutalement été tiré. Un buffet de burger-bacon à volonté, du fric à en perdre la raison et surtout, surtout, Emma Watson en petite tenue. Mais bien évidemment, bien que nu comme un ver, il était seul dans son lit et il se résolut à s'en extirper en se demandant ce qui l'attendait.
***
Environ sept minutes et demi plus tard, (le temps d'avaler un café), Nils sortait de son immeuble tout en tapant une réponse à son chef qui lui demandait où il en était. Course et téléphone, le combo fatal.
*BAM*
De très mauvaise humeur, Nils rattrapa in extremis son téléphone, jura et leva les yeux pour engueuler copieusement l'imprudent qui venait de lui rentrer dedans. Mais il se figea. Des cheveux rouges coupés court, de grands yeux noisettes et une bouche sensuelle, l'imprudent était une imprudente qui le regardait, l'air gêné.
-Oh...désolée je regardais pas où j'allais.
Elle rougit, ce qui lui donnait un air timide insupportablement attirant. Nils sourit.
-Pas de problème, je regardais pas non plus.
Elle esquissa une petite moue, mordilla sa lèvre inférieure et baissa les yeux, tout en semblant incapable de lâcher Nils du regard. Il se sentait fondre à vue d'œil. Le charme de la demoiselle était renforcé par son maquillage de soirée, quoiqu'un peu défraichi et par son tee shirt sexy et son jean moulant qui soulignait ses formes. À ses pieds, des converses rouges qui avaient du remplacer les bottines à talons qu'elle tenait à la main. Quel âge pouvait-elle avoir?
Elle habite vraiment dans l'immeuble? Je ne l'ai jamais vue...
Le silence se prolongea et Nils sentit de nouveau son téléphone vibrer. Il n'en avait plus rien à foutre. Son seul souci était de ne pas terminer la conversation avec la jeune fille sans réussir à obtenir son numéro, ou au moins, le numéro de son appartement. Heureusement, elle lui tendit une perche.
-Tu habites ici?
Bingo. Ses objectifs étaient les mêmes et elle le tutoyait. Nils lui décocha son sourire le plus ravageur, un savant mélange de charme et de décontraction qui ne manquait jamais de faire effet. Elle rougit encore.
-Ouep, depuis deux ans. Je t'avais jamais vue.
-Parce que je viens d'emménager. Il y a une semaine.
Nils fouilla dans sa mémoire et se souvint en effet de cartons en rafale et d'un camion de déménageur devant l'entrée. Il avait opéré un repli stratégique qui avait pour but de ne surtout pas être embauché pour porter les meubles. Et il comprenait qu'il avait eu tort. Il hocha la tête. Son portable vibra de nouveau.
-Eh bien, si tu as besoin de quoique ce soit, mon appart est au premier, porte de gauche.
Allez, balance l'info...
Elle approuva pour montrer qu'elle avait compris, puis s'écarta d'un pas. Nils eut du mal à cacher sa déception lorsqu' il comprit qu'elle le laissait passer et mettait ainsi fin à la conversation. Mais insister ne ferait que le catégoriser "lourdingue" et il n'avait aucune envie de griller ses chances avec...comment s'appelait-elle au fait? Marmonnant un merci, il la dépassa et se retourna pour lui décocher un clin d'œil qu'il savait redoutable.
-A plus!
VOUS LISEZ
Les Faucheurs
ParanormalLes démons ne nous apparaissent pas avec une cape rouge et des cornes. Ils apparaissent sous la forme de ce que nous désirons le plus. Fais attention à qui tu laisses entrer.