Pour pouvoir conter correctement ce bref épisode, je vais me contredire mais je crois qu'il faut que je fasse un bref retour en arrière ou plutôt que j'éclaircisse certains points qui pourraient paraître nébuleux et qui feront que l'on ne pourra pas aborder son récit et surtout comprendre la situation. Dire que les rapports de Gabrielle avec son père étaient conflictuels serait une pure litote. Dire qu'elle le détestait serait une idiotie. Dire qu'il n'était pas ce qu'elle aurait voulu qu'il soit, là, on s'approcherait un peu plus de la vérité. Les sentiments de Gabrielle à son égard étaient pour le moins embrouillés.
Le bonhomme en question n'était pas tout blanc, loin de là. Il n'était pas tout noir non plus, mais simplement, il n'était pas « père ». Le point de vue que je donnerais de la situation est un point de vue complètement extérieur, même si je dois reconnaître que je comprenais plus que grandement ce que Gabrielle pouvait ou avait pu ressentir. C'est une chose qu'il m'est assez accessible et je ne sais pas vraiment pourquoi. Ai-je une sensibilité particulière, une manière spécifique d'aborder les choses qui me les rendraient plus intelligibles pour moi que pour les autres. Je ne le crois pas. Je suis persuadé que c'est juste une histoire d'écoute. Quand j'écoute quelqu'un, je ne le classe pas dans une catégorie ou dans une autre en fonction de ce qu'il a vécu. Je ne déduis rien ainsi. Je laisse seulement se construire les différentes facettes de l'autre, au rythme où il me les donne ou au fil des questions que je lui pose lorsque je ne suis pas ses sentiments (qu'ils soient « logiques » ou non).
Donc, s'il me fallait brosser un portrait du bonhomme, ce qu'il faut retenir c'est que c'était un homme « virile » pour le meilleur comme pour le pire, il n'avait pas fait l'ENA mais ce n'était pas très important ; c'était un homme a priori plutôt volage de part les histoires que l'on m'a rapportées, pas dans le sens coureur de jupons, juste pas fichu de se fixer. C'était aussi, et c'était là l'un des éléments les plus embarrassants que c'était quelqu'un qui ne savait pas être responsable.
S'il m'est permis de simplifier, le père de Gabrielle était à l'opposé des attentes de sa fille (et de n'importe quelle petite fille d'ailleurs). Je ne ferai pas sa psychanalyse car bien mal m'en prendrait et d'autre part, je n'ai aucun élément qui me le permet. De plus, ce n'est pas là, le propos. Je ne prends aucunement sa défense mais je ne veux pas non plus noircir le tableau. Et vous comprendrez pourquoi dans la suite de mon exposé.
En effet, le point essentiel suivant était la mère de Gabrielle. C'était à coup sûr une femme courageuse même si je n'ai aucun élément pour l'étayer sinon le témoignage de sa fille, ce qui, j'espère qu'il est facile d'en convenir, n'est pas un gage d'objectivité. Après tout, le simple fait d'avoir élevé sa fille était une preuve tout de même. Cependant, le revers de la médaille était qu'elle avait introduit Gabrielle dans un univers où ce père qui s'en était allé, a priori pour découcher mais peut-être aussi pour d'autres raisons, était le porteur de tous les maux. Je ne dis pas qu'elle avait tort sur le fond mais, que pouvait comprendre une enfant comme Gabrielle. Elle était née peu après la mort de son frère en plein milieu d'un deuil qui n'a jamais été fait. Puis elle s'est retrouvée bien vite l'enjeu d'une séparation douloureuse dont les raisons ne lui ont été rapportées que partiellement et surtout que vues sous un seul angle, celui de sa mère. Même si les réponses ne tiennent pas debout, elles comblent l'absence et les trous qu'elles laissent béants s'emplissent au fur et à mesure, d'une histoire que la petite fille s'est cousue de bric et de broc en avançant dans les années.
Je ne veux pas aller plus avant dans les détails. Car même là, décrits de manière légère, je les trouve déjà déplacés.
*
Gabrielle m'attendait à la sortie du métro. Même de loin, j'avais ressenti son état de nervosité. Je l'ai embrassée.
« J'ai la trouille. » m'a-t-elle chuchoté au coin de l'oreille et en étouffant un rire nerveux. Elle avait les larmes aux yeux.
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Et l'on ira nulle part, je te le promets
RomanceParis - Un homme est seul et perdu. Une inconnue l'aborde, rien qu'un instant... Et le monde bascule, les repères se bousculent. Pour un bien ou un mal, c'est à travers les yeux du narrateur qu'on perçoit cette contradiction assumée. Teinté d'une tr...