Noa

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Nous arrivons au restaurant, où un serveur nous place à une table à l'écart, pile ce qu'il me fallait pour en apprendre plus sur cette femme. Bien que très différente de celles sur qui j'ai tendance à me retourner, notre première rencontre m'a intrigué. Une brune pleine de fougue, prête à m'en coller une pour avoir cru que j'allais lever la main sur son clebs. J'ai l'habitude que l'on me regarde avec envie, plutôt qu'avec colère, ce qui est très inédit et intéressant. Même dans la chambre, elle ne s'est pas démontée et mon orgueil en a pris un coup. Suffisamment en tout cas pour que je la convie à manger.

Elle regarde autour d'elle pour juger la clientèle assez huppée de cet hôtel cinq étoiles. A vrai dire, je me suis fait plaisir pour ces vacances, quitte à décompresser, autant le faire dans un environnement au top. Je l'observe discrètement, ses traits fins et réguliers, dévoilés par les lumières artificielles du lieu où nous sommes installés, soulignent la douceur de son visage. Elle est vraiment très belle, des tâches de rousseur parsèment ses joues et lui donnent un air coquin. Des mèches de cheveux s'échappent de sa tresse, retombent le long de son visage. Elle lève les yeux vers moi, puis constatant que je la fixe, se met à inspecter consciencieusement la salle de réception. Je ne peux retenir un sourire de malice, le rouge sur ses joues confirme qu'elle est gênée par ma présence et je suis prêt à parier que c'est parce qu'elle apprécie ce qu'elle voit. Je sais que je plais aux femmes, ses réactions me laissent à penser que c'est le cas pour elle aussi. Le serveur vient prendre notre commande, nous libérant de ce curieux moment de silence.

À son départ, je me redresse, décidé à engager la conversation.

– C'est un chien un peu bizarre que tu possèdes, la titillé-je sur un sujet qui lui semble sensible. Son animal semble être la prunelle de ses yeux.

– Comment ça bizarre ? Il est tout à fait normal ! Encore des préjugés sur les lévriers...

Ma bouche s'étire davantage en la voyant s'énerver. Elle part vraiment au quart de tour, plus fougueuse qu'elle ne veut bien le laisser paraître.

– Donc un lévrier. Ça change des petites saucisses que la plupart des parisiennes traînent dans leur sac à main.

Elle me regarde avec des yeux ronds puis éclate de rire. Ce son frais et chantant me fout un uppercut dans l'estomac. Je serre les dents, bois une gorgée de vin pour reprendre contenance.

Depuis quand un rire de femme suffit à me faire trembler les guiboles ?

– Vous êtes parisien. J'aurais dû m'en douter, s'esclaffe-t-elle, beaucoup plus à l'aise.

Je lève un sourcil, croise les bras sur ma poitrine, biceps gonflés. Elle persiste à conserver de la distance en maintenant le vouvoiement. Je ne relève pas pour l'instant, me contentant de lui répondre :

– Parisien effectivement, mais qui sait, peut-être que la région me donnera envie de m'exiler pour de bon !

Elle pose les coudes sur la table, place son menton au creux de ses mains. Je ne peux m'empêcher de la contempler, tout en elle m'attire, ce petit jeu qu'elle instaure, ses œillades malicieuses et ses sourires en coin me perturbent.

– Pourquoi êtes-vous venu dans ce joli coin ? Le surf ? Besoin d'une bouffée de liberté ?

– Pile dans le mile, acquiescé-je.

Elle penche la tête, à l'écoute. Je m'adosse à ma chaise, pense à la sensation d'étouffement ressentie ces derniers jours dans la capitale. Une question me vient à l'esprit, passe la barrière de mes lèvres sans que je ne puisse la retenir.

– Est-ce qu'il t'est déjà arrivée de penser que ta vie était un putain de fiasco ?

Elle cligne des yeux, me dévisage, longuement. Je m'éclaircis la gorge, prêt à sortir une blague pour détendre l'atmosphère et me sortir de ce pétrin.

– Je me donne toujours les moyens de ne pas en arriver là, je suis la seule à pouvoir décider de ma vie, donc je fais en sorte qu'elle me plaise. Vous ne croyez pas que c'est ainsi que cela devrait fonctionner ?

– Cela paraît si simple dit ainsi, la raillé-je avec une moue sceptique.

Je la vois froncer les sourcils, les joues rougies et cette fois-ci, pas d'émoi mais d'agacement. Elle se penche, pointe sa fourchette vers moi.

– Je connais les mecs comme vous, il y en a des centaines l'été qui viennent profiter de nos plages en jouant les rois du monde. Vous allez me faire croire que vous avez une vie de galère alors que vous portez une Rolex à votre poignet et que vous logez dans un hôtel cinq étoiles ?

Je plisse les yeux, les dents serrées. Je ne devrais pas me sentir vexé qu'elle m'ait percé à jour, pourtant entendre ce genre de jugement sortir de cette jolie bouche me hérisse le poil.

Et pas que le poil...

Cette nana est sacrément bandante, la passion transpire dans chacun de ses gestes, rien n'est calculé, elle est si différente. Je souris largement malgré le tumulte que je ressens dans ma poitrine, ce qui a le mérite de la décontenancer.

– Vous croyez vraiment tout savoir sur les gens comme nous ? Vous êtes donc comme les autres, pleine de préjugés ? rétorqué-je, devinant qu'elle n'appréciera pas l'allusion.

Elle se rembrunit, pose la serviette sur ses genoux tandis que le serveur nous sert les plats. Elle ne prononce pas un mot, commence à avaler ses légumes sans me regarder. A croire qu'elle boude à présent.

– Nous cachons tous nos failles derrière quelque chose, si le superficiel est ce qui me correspond alors quel est le vôtre ? demandé-je d'une voix posée.



Unexpected Love (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant