Lorsque Patxi porta enfin sa main à son cœur, je poussai un dernier souffle cadencé par le rythme effréné de mon cœur, détendant mon dos. Je roulai des épaules, puis fis au revoir de la main à mon professeur, filant dans les vestiaires. Là, je trouvai Aly assis sur le banc, les jambes étendues devant lui, détendant ses orteils. C'était un rituel pour lui d'exhiber ses pieds après chaque entraînement, comme il disait, il les faisait respirer. Je retirai mes chaussures, enfilant mes baskets, puis ma veste. Je rangeai toutes mes affaires dans mon sac, gardant tout de même mes mitaines pour ne pas avoir froid en sortant dehors et pour pouvoir les mettre directement au lave-linge en rentrant. Je bus une dernière gorgée d'eau, attendant Aly. Nous sortîmes en même temps, marchant côte à côte dans le noir. Nous aimions tous deux ce moment privilégié, nous ne nous voyions jamais en dehors des entraînements.
« Tu vas bosser demain ?
- Ouais, je commence le matin.
- Tu n'as jamais de week-end ?
- Si, des fois le dimanche ils me laissent tranquille. »Lorsque j'ai eu dix sept ans, j'ai décidé d'enfin travailler, pour gagner mon propre argent, en ayant assez d'être dirigée par le bout du nez par le salaire très limité de mon père. Du coup, je voyage de petit boulot en petit boulot, et depuis quelques semaines j'étais au MacDonalds, dans la même ville que mon lycée. J'avais pu obtenir ce poste grâce à Rebecca, qui avait parlé de moi à son patron qui avait accepté de prendre mon CV. Les horaires étaient un peu extrêmes, mais ça me ramenait le strict nécessaire pour me faire plaisir. De plus, la satisfaction d'avoir ses propres billets entre les doigts valait bien toutes les courbatures que je pouvais avoir à force de rester plantée sur mes jambes toute une journée.
Je me séparai d'Aly au détour d'un chemin, lui faisant un signe de la main, accélérant le pas jusqu'à chez moi. En franchissant le portail, je pus voir la voiture de mon père, signalant qu'il était rentré du travail. J'ouvris la porte, sentant la délicieuse odeur de quiche venir de la cuisine. Beaucoup de mes amis se vantaient d'avoir un robot qui leur préparait de délicieux plats lorsqu'ils n'avaient pas de temps. J'avais toujours fait tâche lorsque je parlais des compétences de cordon bleu de mon père.
« Salut ? »
Mon cher père passa la tête par l'ouverture de l'arche, me souriant en me voyant. Ses yeux se plissèrent, et deux fossettes se creusèrent sur ses joues. Des pattes d'oies se marquèrent aux coins de ses yeux. Son sourire était merveilleux. Je lui adressai un rapide salut.
« Bonne journée ?
- Tranquille. Toi ?
- Bien. »Voilà l'une des discussions les plus récurrentes que nous avions. Nous ne parlions pas énormément. Du moins, nous ne parlions pas pour nous dire des choses : nous comblions le vide pesant dans la maison depuis que maman était partie. Et lorsque ce n'était pas nos mots qui recouvraient le silence, c'était de la musique. Je jetai mes affaires dans le lave-linge et aérai mes gants et mes chaussures, puis je rejoignis mon père à la cuisine.
« Je t'ai acheté du jus d'ananas, il est dans le frigo.
- Ah, cool, merci. »Dommage qu'après dix sept ans de vie commune, tu n'aies toujours pas compris que je n'aimais pas l'ananas.
J'ouvris ledit frigo, attrapant la bouteille, me sortant un verre et me servant. M'appuyant contre le mur, je bus quelques gorgées, observant mon père remuer la salade, jetant des coups d'œil à la quiche aux oignons et aux amandes en train de cuire au four. Je fis une légère grimace en sentant le goût du jus, mais je me forçai à le finir rapidement. Sûrement pensait-il bien faire en m'achetant de jus d'ananas, il savait que j'adorais les fruits et les jus. Je reposai mon verre sur la table, partant prendre ma douche. En rentrant dans la salle de bain, je zieutai le sac de linge sale, un sourire en coin se traçant sur mes lèvres en voyant qu'il était à nouveau plein à craquer, d'affaires qui n'étaient ni à mon père ni à moi. Je retirai mon haut, mon bas, mes chaussures et chaussettes, puis ma culotte et enfin j'entrepris de dérouler les bandes de ma poitrine, pouvant enfin m'aérer les seins. Roulant le tout en boule, je jetai ça dans le sac qui se recouvrit seul, ne pouvant plus accueillir d'autres vêtements. Glissant sur des rails, il disparut derrière un pan du mur pendant quelques secondes, puis revint presque aussitôt vide. Un vrombissement résonna dans les murs, signe que la machine à laver automatique s'était mise en marche.

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Paris Dévasté
Science FictionQuelques chapitres du 1er jet d'une histoire avec projet d'édition. Dystopique, apocalyptique. ☢ Cover réalisée par l'incroyable sinadana. Encore mille merci ☢