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Point de vue: Lyllaby

Je me fige en entendant l'ordre du Patron. Il me fixe, attendant que j'obéisse. Malgré ses lunettes teintées d'un noir d'encre, je pouvais sentir sur moi un regard brûlant. Je m'éclaircis la gorge, un peu nerveuse, avant de répondre avec un semblant d'amusement:

- Qu'est-ce que tu veux en faire ?

- Voir ton dernier appel.

Son froid tendait l'atmosphère plus qu'elle ne l'était déjà.

- Si tu veux, mais c'est sympa de voir que tu ais plus confiance aux propos de Victoria qu'en moi.

Malgré ce que je venais de dire, je ne m'exécutai pas. J'espérais juste que mon manque de contestations joue en ma faveur, surtout lorsque le Geek ajouta:

- Lyllaby est trop sympa pour faire quelque chose de mal, non ?

Je lui adressai un sourire reconnaissant. Plus les secondes avançaient, et plus je regrettai d'avoir accepté la mission du Prof et de Panda. Ils ne méritaient pas qu'on jouent avec leurs sentiments, et c'est ce que je faisais pourtant. Le Geek avait baissé la tête quand le Patron s'était tourné vers lui. L'homme en noir reporta son attention vers moi.

- Je me répète une première et une dernière fois: passe-moi ton téléphone.

Sentant son impatience monter, et sachant que ça ne présageait rien de bon, je finis par accepter réellement. Je me levai pour contourner la table, et ainsi revenir près du Patron. Je sortis, d'une main prise de tremblements que je tentais d'atténuer, mon téléphone et lui tendis. Il s'en empara vivement et le déverrouilla. Il connaissait mon code. Je sentais l'angoisse apparaître peu à peu en moi alors qu'il se rendait dans le journal d'appels. J'eus l'idée d'en profiter pour partir, mais c'était une idée stupide, je le savais. À quatre, au moins l'un d'eux m'aurait remarqué, et je ne voulais pas m'attirer encore plus la colère du Patron, qui semblait à chaque instant s'agrandir en lui. Il tomba enfin sur le dernier numéro enregistré. Sa recherche m'avait semblé durer des heures alors que quelques secondes avaient suffi, mais j'aurais préféré qu'il ne le trouve jamais... Le numéro de Maître Panda n'était pas enregistré dans mes contacts, pour que personne ne puisse tomber dessus par hasard. Alors Patron composa le numéro. Il mit l'appel en haut-parleur afin que tout le monde puisse entendre. Il posa l'appareil au centre de la table. Alors que les sonneries résonnaient, je priais pour qu'il ne décroche pas, qu'il soit occupé à je ne sais quoi. Mon estomac se serra en entendant la voix de Maître Panda répondre...

Point de vue: Patron

J'attendais que l'autre réponde à l'appel. Je ne savais pas qui c'était, ou à quoi m'attendre, mais je préférais être fixé. Mes yeux étaient bloqués sur l'écran, attendant d'entendre la voix. Ce n'était peut-être rien. Lyllaby, tout comme moi, fréquentait les endroits "peu fréquentables". Elle pouvait avoir le numéro de n'importe qui, quelqu'un qui serait paru bizarre pour Victoria et non pour Lyllaby et moi. C'est ce que j'aurais cru si Lyll' n'avait pas réagi ainsi. Quand cette blonde avait commencé à parler de trahison, Lyllaby n'a pas attendu plus longtemps pour la couper. Et là, elle a mis un certain temps avant d'accepter de me passer son téléphone. Ça ne trompait pas. Les sonneries s'arrêtèrent enfin et une voix que je reconnus immédiatement s'éleva de l'appareil:

- Allô, ma Pandinette ? Qu'est-ce qu'il y a ? Je te croyais chez Mathieu...

Je m'immobilisai, presque pétrifié, retenant mon envie de hurler en serrant les dents. Mathieu et le Geek avaient tournés des regards d'incompréhension et d'interrogation à la jeune femme, qui avait baissé la tête avec un soupire. Le Hippie, lui, regardait la pièce avec son air absent. Devant notre silence, la Peluche reprit:

- Lyllaby ? Ça va ?

- Hé, gros, c'est la voix de Maître Panda !

Nous nous tournâmes vers le drogué. En temps normal, notre Créateur lui aurait sûrement rétorqué "Bien joué, Captain Obvious", mais pas là. La seule réponse qu'eut le camé fut la surprise de l'enfoiré qu'on avait au téléphone:

- Hippie !? C'est toi !? Bordel, mais qu'est-ce que tu fais avec le téléphone de Lyllaby !?

Sa voix, qui se voulait autoritaire, se trahissait par une légère inquiétude. Vraiment légère. Après tout, c'était le Hippie qui lui répondait, rien qui ne présage quoique ce soit de mauvais. Enfin, il devait penser ça jusqu'à ce que le camé réponde:

- Non, gros, c'est pas moi qui ait le téléphone de Lyllaby, gros.

- Quoi ? Comment ça !? T'es pas le seul à m'entendre !?

- Non, gros. C'est le Patron qui t'as appelé.

Un silence se fit de l'autre côté de l'appel. J'aurais aimé voir la tête du Panda à ce moment-là, mais je n'avais pas vraiment l'esprit à rire de sa peur certaine.

- Pa... Patron !?

- Et ouais, gamin. On a dû bien te manquer, pour que tu nous envoies une taupe.

- Où est-elle !? Je te préviens, si...

- Arrête d'angoisser, je ne lui ai rien fait, le coupai-je. Elle est là, beaucoup trop honteuse pour prononcer quoique ce soit, j'imagine.

L'état mutique de la jeune femme confirma mes propos. Je respirai profondément pour contrôler ma colère, et Mathieu ouvrit enfin la bouche:

- On attend tes explications, l'ursidé.

- Je n'ai aucune explication à vous fournir !

- Je crois qu'on va devoir lui donner un coup de main, gamin, souris-je.

Je sortis mon 9mm et le fis cliqueter.

- C'était quoi, ça !?

- Ça, gamin, c'est ce qui peut provoquer la mort de ta "Pandinette" si tu ne nous dis pas tout immédiatement, et bien sûr je veux également savoir où te trouver pour te transformer en panda empaillé.

Malgré ma menace, Lyllaby ne bougea pas d'un cil. Je la connaissais, et je savais qu'elle n'était pas du genre à paniquer à la moindre petite menace. Et puis, même si elle ne devait pas s'en douter, j'aurais été incapable de lui tirer dessus. Ça m'énervait encore plus de voir que, même si elle s'était sûrement joué de moi, je l'aimais trop pour lui en vouloir à elle. Ce n'était pas une réaction dont j'avais l'habitude venant de moi ! Il y eut un silence. Un long silence. Et alors que Mathieu et moi étions sur le point de rappeler cet enfoiré à l'ordre, il reprit, d'une voix plus sûre que précédemment, on pouvait presque y imaginer un sourire:

- Bien. Je vais tout vous dire.

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