Perceval Ier sortit de la salle de visionnage, livide et tremblant. On eut dit un anatidé de cristal qui eut reçu un coup au cœur et qui en portait une profonde fêlure, pouvant se briser d'un simple regard. « Apportez ceci dans mes quartiers, dit-il au garde le plus proche, en lui tendant le parallélépipède rectangle orange vif et encore chaud. Et que personne, je dis bien personne, fusse-t-il l'Espace en personne, n'y ait accès. Vos proches pourraient en pâtir ! ajouta-t-il avec colère et détermination, en saisissant le pauvre garde par l'encolure de son exosuit.
Bien que Perceval fît une bonne tête de moins que l'interpellé, et qu'il eut à tendre le bras pour se saisir de lui, celui-ci s'exécuta promptement devant le ton de froide autorité du prince. La salle de visionnage se situait en retrait du château, presque à l'extérieur de la bulle atmosphérique, dont les longs couloirs sinueux y menant étaient condamnés par une lourde porte de bois mêlé de fibres de carbone. Perceval pouvait hurler de tout son soul, frapper les parois et se lamenter sans risquer d'être entendu. Durant deux semaines, Perceval n'étais plus que l'ombre de lui-même. Il errait souvent sans but dans les couloirs, pâle, le regard fuyant, marmonnant des paroles incompréhensibles. Longtemps il aurait pu rester dans cet état si un élément extérieur n'était pas venu troubler la monotonie de son existence. Il se tenait alors dans le kiosque royal, le plus haut point du château et du royaume. Il avait toujours été fasciné par le spectacle qui s'offrait à lui depuis son perchoir.
A ses pieds s'étendait un patchwork d'or et de jade piqué de rubis et d'opalines, lézardé de veines de saphir scintillantes, s'étalant jusqu'à l'extrême limite de l'horizon où les champs s'interrompaient pour laisser place au fond noir d'obsidienne uni de l'espace, où seules quelques étoiles de diamant étincelantes parvenaient à percer ses profondes ténèbres.
Cependant, ce paysage idyllique avait perdu de sa splendeur aux yeux de Perceval. Les appels de l'espace, qu'il n'avait jamais exploré, se faisaient moins puissant, et il avait perdu de son mystère et de son charme pour mieux révéler sa mortelle hostilité.Ainsi perdu dans ses pensées, Perceval mit un moment avant de se rendre compte que les étoiles s'éteignaient une à une, de plus en plus rapidement, en formant un cercle à l'obscurité inviolable. Il s'agissait indéniablement d'un vaisseau, mais il approchait dos au soleil, à contre jour, de sorte qu'il se fondait dans le fond monochrome de l'espace, détectable uniquement aux étoiles qu'il masquait. Les sirènes se mirent à hurler, mais les canons de défense ne firent pas feu. Perceval, qui était resté médusé sur son promontoire, se demanda et pourquoi au moment où le corps étranger entra dans la mince atmosphère du royaume-vaisseau, sa coque chauffant à blanc, fonçant en direction du château. A cet instant, une déflagration assourdissante et un flash lumineux déchirèrent le ciel.
Avant que l'onde de choc ne l'ait assommé, Perceval eut le temps de distinguer un motif sur un bout de la coque déchiquetée : un petit dessin représentant une spirale, avec en son centre un anatidé jaune couronnée, le symbole du royaume. En dessous, deux lettres, qui à elles seules faisaient toute la différence : S.L.
Les abréviations royales, Solarius de Lactée.
Celui qui avait tué son père.
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l'Histoire en un §, ou Perceval et la quête du basilic
Science FictionDans un futur lointain, la technologie est suffisamment développée pour permettre les voyages intersidéraux. Mais alors que la science est à des siècles d'avance, les codes sociaux ont régressé à la période médiévale. Samuel et Samuelle vont en subi...