Tu étais une élève dans les toilettes.

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Les sonneries retentissent encore dans mon esprit. Je crois que j'avais tellement l'habitude de te croiser dans les toilettes que tu faisais presque partie du mobilier, au même titre que le lavabo qui fonctionne mal, ou la corbeille perpétuellement renversée.

Ce jour-là, tu avais l'air particulièrement épuisée, comme si tu voulais, plus que jamais, disparaître dans le siphon, comme une larme, ou un jet d'eau.
Toutes les occupantes des toilettes se doutaient de ce que tu faisais, mais personne n'osait te confronter, par peur de se tromper, mais surtout d'avoir raison. De comprendre avec une preuve inaliénable que pendant que nous discutions de nos notes, de nos petits copains, de nos fêtes, à peine une porte à côté quelqu'un mourrait de plus en plus, et la cacophonie de nos existences l'ignoraient. Le bruit d'une gorge qui tousse ou d'un gémissement te caractérisaient bien. Tu venais presque tous les jours, le midi, juste après avoir mangé, déposais ta doudoune moutarde sur le sol, à côté de ton sac, et pendant quelques minutes on t'entendait, derrière la porte, cette putain de porte d'intimité d'esprit mais de silence bruyant, de secrets interdits que l'ont pensaient toutes.

Ce jour-là, j'avais l'impression que tu avais expulsé quelque chose d'autre, que quand tu avais tiré la chasse pour te débarrasser de ce qui restait de ton déjeuner, tu avais également vomi ton dernier sourire. Tu as ouvert la porte comme à ton habitude, mais une habitude dure et violente. Je t'ai bousculée en avançant et tu es tombée par terre, ta silhouette à la fois squelettique et volumineuse s'écrasant sur le sol.

Je suis désolée.

Ce jour-là, tu es tombée et j'ai vu dans ton regard que tu ne voulais pas te relever.
J'espère que je me trompe.

ÉLÈVE DU LYCÉE VICTOR HUGO, 12:48, 7/01/19

Fragments du Caban Oublié [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant