1 an plut tôt...
1, 2, 3...
J'inspire à fond par le nez pour me calmer, sinon je vais lui envoyer mon livre dans la figure. Son aplomb et sa décontraction me sidèrent.
Il me lâche une bombe, comme ça, sans préavis, avant de retourner à ses assourdissantes tentatives pour sortir un son harmonieux de son violon. Sa nouvelle lubie. Après la guitare, qu'il a abandonnée il y a deux mois alors qu'il en jouait merveilleusement bien, il s'essaye à un nouvel instrument.
Mais ce n'est pas ça qui me tape sur les nerfs. Non, ce qui m'exaspère provient des quelques mots qu'il a prononcé. "Au fait, j'ai quitté mon boulot". Du même ton sur lequel il m'annoncerait que la chienne de la voisine attend des petits. Ce qu'il m'a déclaré dans la foulée d'ailleurs. Comme si j'en avais quelque chose à foutre !
Depuis quelques temps déjà, la maxime "la liberté des uns s'arrête où commence celle des autres" me trotte dans la tête.
Après des années de jobs sans lendemain, j'ai trouvé ma voie. Je viens d'être admise en institut de formation aux soins infirmiers ; trois ans d'études à l'issue desquels je pourrais passer le diplôme d'infirmière. Toutefois, pour ça, il faut quelqu'un qui ramène un salaire, qui paie le loyer et tout le reste.
Lorsque je lui fais part de mon inquiétude, il daigne s'interrompre pour m'offrir son sourire 10 000 volts. Je sens que je vais le gifler, sèchement.
Selon lui, il était temps de quitter son travail. Toujours sa théorie à la con ! Il m'assure que se torturer les méninges est inutile. Du boulot, il n'y a qu'à se baisser pour en ramasser.
Je croyais vraiment que je pouvais m'appuyer sur lui sur ce coup. Naïvement, je m'étais imaginée qu'il mettrait ses principes de côté. Peut-être est-ce ma faute, je ne prenais pas tout ça assez au sérieux, en fin de compte. Je n'avais pas pris la pleine mesure de son attachement à sa théorie chérie.
J'en viens à me demander si ce n'est pas simplement de l'irresponsabilité. La plus pure forme d'égoïsme. A trop vouloir avoir le choix, au final, il n'en prend aucun. Aucun risque non plus. Il se laisse porter au gré du vent.
Ce qui me fascinait encore hier, m'agace aujourd'hui.
Et pourtant je l'aime. Éperdument.
Ne peut-on pas concilier nos envies à chacun ? Faire des concessions, sans doute. Des efforts, c'est certain. Pour parvenir à un terrain d'entente, un juste milieu où nous pourrions tous deux nous épanouir et avancer ensemble. Je ne sais pas si l'homme qui me fait face et me déclame le poème qu'il a écrit pour mon anniversaire en est capable.
On pourrait dire que je ne peux m'en prendre qu'à moi-même. Il ne m'a jamais menti sur les conditions de notre relation. Et mon bonheur est sa priorité absolue. Il ne se passe pas une minute qui ne me soit pas consacrée. Si je suis triste, il me fait rire. Si je désire quelque chose, il s'empresse d'aller me le chercher. Il m'écoute lorsque j'ai besoin de l'être et respecte mes silences. S'il n'a pas mille attentions pour moi dans une journée, il n'en a aucune. Sandro s'échine à me rendre heureuse.
Douter de notre amour ou en tous cas de l'amour qu'il me porte réellement me fait souffrir. Je pensais qu'en chemin, sa vision des choses évoluerait. Je me fourvoyais...
Il pose son violon au sol. Je n'ai pas écouté un mot de son ode.
— Tu danses ? demande-t-il en m'invitant d'une main tendue.
— Je suis en colère, Sandro.
— Je sais, Jo. Et je n'aime pas que tu le sois.
— Ce n'est pas en me faisant valser que tout va s'arranger.
Il hausse les épaules.
— J'en ai conscience. Mais ça ne peut pas faire de mal, si ?
J'accepte de le rejoindre et me serre contre son torse. La chaleur qu'il dégage me surprendra toujours. Il me fait tourner, tout en fredonnant. Les poils de sa barbe me chatouillent le crâne quand il pose son menton dans mes cheveux. Mes yeux se ferment pour me permettre de me concentrer sur cet instant magique. On tourbillonne, et j'oublie que je suis énervée. Quand il me renverse, j'éclate de rire. Il m'entraine dans une danse folle et je me laisse emporter par sa joie et son enthousiasme.
Ces instantanés de bonheur sont des bouffées d'air frais, mais j'ai besoin de respirer à chaque seconde. Je ne peux pas vivre en apnée.
Alors, malgré ce pas de deux, malgré l'amour que je lui porte et qui parfois me déchire le cœur, je me pose la question : peut-on rester avec quelqu'un qui ne vous donnera qu'une bribe de vie, quelqu'un qui ne veut pas se projeter avec vous, qui pense que rien ne dure plus de...
VOUS LISEZ
Look beyond
Historia CortaUne nuit de juillet. Un parc désert. Joséphine ne devrait pas se trouver là, et pourtant elle est venue. Pour l'attendre. Lui parler, peut-être, et lui demander de se projeter... De voir plus loin que les barrières qu'il imagine. L'amour de Joséphin...