STEVENS (N°9)

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La force d'une armée comme la force d'une famille, réside dans la loyauté de ses membres.

Je sors du terrain, les yeux dans le vide. J'ai envie de pleurer.

J'attrape mon portable, le déverrouille et vais dans le fichier contenant les photos. J'en fais défiler quelques-unes et m'arrête sur celle d'une jeune fille blonde aux yeux verts. Lyndell, ma sœur jumelle.

23 mars 2008

Assis à mon bureau, je tape un courrier à l'ordinateur. Ma tante m'a envoyé un mail, me demandant de passer la voir pendant les vacances. Et me voilà dans l'obligation de lui dire que je n'ai pas le temps.

J'attends ma sœur qui ne devrait plus tarder à rentrer. J'ai bien essayé de l'appeler 3 fois mais elle ne m'a pas répondu. Je ne me suis pas posé de questions, elle ne répond presque jamais. Une manie qui a tendance à m'agacer d'ailleurs.

Je ne me sens pas bien. J'ai des haut-le-cœur, et je ne sais pas d'où ils sortent. Puis me vient une intuition que j'aimerais ignorer ; ma sœur et moi avons toujours été très proches, presque connectés de manière étrange, inexplicable, ressentant mutuellement les mêmes choses au même moment ou presque.

Je ne réfléchis plus. Je prends la voiture et roule bien au-dessus de la vitesse autorisée jusqu'au lieu de travail de Lyndell. Je ne la vois pas devant l'entrée. Je contourne le bâtiment. Elle n'est pas là. Alors je me dirige vers le parking souterrain. Je la retrouve entre deux voitures, en pleurs et les vêtement déchirés. Je m'approche, elle crie mon nom en se jetant dans mes bras. Je la réceptionne comme possible et lui demande ce qui s'est passé.

Elle essuie un torrent de larmes et parvient, tant bien que mal, à tout me raconter.

Elle a été violée.

Par son propre patron.

Je l'emmène jusqu'à la voiture et prends la direction du commissariat le plus proche. Celui de la Technoide.

Lyndell livre sa version des faits pendant plus d'une heure tandis que je me concentre dans la salle d'attente pour ne pas aller retrouver moi-même cette ordure.

3 semaines passent. 3 semaines durant lesquelles je veille sur ma sœur devenue muette. Je n'ai plus droit à une seule parole, à un seul regard. J'ai beau me confronter régulièrement à la réalité, lorsque je m'approche d'elle me revient sans cesse ce stupide espoir propre aux amnésiques. Cet espoir que ma Lyndell réduit à néant en l'espace de quelques secondes. Ce ne sera pas pour aujourd'hui.

J'en ai pourtant tellement besoin.

Son patron a été arrêté, puis acquitté après un procès fait à la hâte, totalement expédié, bâclé, dirigé par Maddox en personne.

Combien de fois je rêverai par la suite du jour où je me retrouverai face à lui ?

9 ans plus tard

Il a détruit la vie de Lyndell, et par conséquent la mienne.

Mais il est libre.

Les preuves, le témoignage, tout était pourtant accablant.

Mais il est libre.

J'ai laissé ma sœur chez ma tante. Je n'ai finalement jamais envoyé ce mail. Je suis ensuite parti au Genèse Stadium, où j'ai retrouvé un ami d'enfance devenu Pirate quelques mois plus tôt. Il m'a emmené jusqu'à Sonny qui m'a demandé les raisons qui me poussaient à abandonner une vie standard au profit d'une vie de « criminel ».
Pourquoi ce terme ?

Je n'ai omis aucun détail. Il devait avoir l'habitude de ce genre de plantage total, d'injustice absolue ; c'est à peine s'il a réagi.

J'ai été accepté presque immédiatement. Je continue bien sûr d'écrire à ma sœur qui ne sourit plus. Ça me manque tellement.

Je me réveille parfois en sursaut au milieu de la nuit, visualisant dans d'interminables cauchemars le supplice qu'elle a enduré.

Je mets toujours du temps à me rendormir mais j'y parviens, serrant dans ma main un bracelet orné d'un petit oiseau bleu, cadeau de Lyndell pour nos 10 ans.

Like A Fight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant