KATE (N°4)

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J'ai perdu tellement d'êtres chers à mes yeux que je ne sais même plus à qui penser avant de les fermer.

Encore une fois, à la sortie des vestiaires, mon frère me prend dans ses bras. C'est devenu un vrai rituel, une règle d'or à laquelle on ne déroge jamais. Mon frère et moi avons toujours été particulièrement proches, plus encore depuis que nous n'avons plus rien. Je me souviens de tout, dans les moindres détails. Comment pourrais-je oublier quoi que ce soit ?

29 septembre 2009

Hawkins a rejoint les Pirates depuis déjà quelques temps et Maman ne va pas bien. Elle délire, et sa fièvre monte en flèche.

J'ai peur. J'ai peur qu'elle meure.

Personne ne veut prendre le risque d'aller jusqu'en ville et pour cause : depuis bientôt une semaine, le vent s'est levé sur le désert de Niyol et les tempêtes de sable gagnent en intensité.

Je regarde ma mère dont les yeux commencent à se fermer. Il est plus de 2 heures du matin. Je commence moi aussi à être sérieusement fatiguée mais je ne veux pas dormir. Pas maintenant. Je dois m'assurer que Maman tienne toute la nuit. Demain matin, Wilkinson et Davison prendront le relais.

Je laisse couler quelques larmes. Ça faisait si longtemps que je n'avais pas pleurer que j'étais certaine de ne plus savoir comment faire.

J'étouffe. Certaines de mes larmes se transforment en cailloux et se bloquent dans ma gorge.

J'ai mal.

Davison vient vers moi, me demande ce qui ne va pas. Je lui réponds que je n'en sais rien, que je suis perdue, que je ne sais pas pour quoi rester.

Il me regarde, d'abord sans rien dire. Dépression passagère, pense-t-il.

Il change rapidement d'avis le lendemain matin, en s'apercevant que j'ai profité de la nuit, du sommeil de tout le monde ici, pour m'ouvrir les poignets.

Avec des gestes d'une extrême précision, presque techniques, instinctifs tout du moins, il arrache deux bandes de tissu au premier T-Shirt qui passe à portée de ses mains et me les plaque autour des poignets sans un regard ou un « merci » pour le propriétaire des vêtements. Il y a des priorités qui vous font oublier quelques bonnes manières, la politesse passe à la trappe avec le reste.

Ça cicatrise en quelques jours mais tandis que mon état s'améliore, celui de Maman se détériore. Pour la première fois depuis ma naissance, quelque chose nous oppose l'une à l'autre.

Je m'accroche désespérément à ce petit bout d'espoir qui ne se manifeste pas.

J'ai envie de partir. Pas définitivement. Je veux me tirer de cette planète, retrouver mon frère à l'autre bout de la galaxie et me battre pour une cause que je sais noble et méritant d'être défendue.

Je baisse les yeux vers Maman. Elle ne respire plus.

Une étoile s'était éteinte. Et si je venais de retrouver un semblant d'envie de vivre, c'est parce qu'à travers la fenêtre brisée, j'en ai vu une autre se mettre à briller plus fort à l'exact même moment.

Refoulant le torrent de larmes qui ne veut que déferler, je m'avance vers mon père et lui expose mes choix.

Un peu perdu, il me regarde. Alors je pars moi aussi ? Un peu plus tard j'arriverai vers mon grand frère avec une valise et quelques photos. Maman est morte, lui dirais-je, les yeux prêts à déborder.

Like A Fight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant