Un rêve réalisé

Quinlin et Livvy

Nous mangeâmes chez les Vacker; tout était excellent et délicat. Le plat était composé d'herbes délicatement taillées entourant une sorte de purée violette disposée de façon bien ronde, surmontée d'une feuille. Quant au dessert, un petit pain bien chaud fourré à je-ne-sais-quel délicieux fruit, il était couvert d'une sorte de chantilly parfaitement placée. Tout sentait bon la noblesse. 

L'après-midi, Sophie arriva accompagnée de Keefe. Nous dûmes nous appuyer sur le mur le plus proche pour ne pas nous évanouir une fois de plus. Oui, Sophie était devant nous. Sophie Foster. Était-ce seulement possible? Nous devions rêver.

-Livvy et Quinlin Sonden ont accepté de vous héberger, nous allons vous mener chez eux.

Nous nous entre-regardâmes. Toutes les deux, nous nous souvenions parfaitement (et dans les moindres détails) de la chambre que Livvy avait proposé à Amy dans le tome 6, avec son armoire magique.

Sophie m'invita à la suivre, et je vis le monde tourner autour de moi. Oui, je m'approchais de Sophie Foster, mon idole... mais j'aillais me réveiller, Sophie n'existait pas...

Quant à Keefe, il prit la main de Jade en lui lançant un sourire de top-modèle. Je le soupçonnais de faire cela pour la draguer, ce qui sembla réussir puisqu'elle rougit. Je pouffai discrètement et nous sautâmes en direction du tourbillon menant à l'Atlantide. Ce saut, qui était dans les premiers de ma vie, m'émeut. Tout se mettait à tourner, puis le paysage se stabilisa et je pus voir que nous étions devant la mer. Sophie déboucha le fameux flacon qui permettait d'ouvrir le tourbillon.

Nous jetâmes de longs regards hésitants vers les flots. Non pas que l'eau nous fasse peur - nous y étions habituées - mais le simple fait de savoir que nous allions tomber dans une gigantesque bulle d'air nous faisait paniquer. Nous avions bien trop peur de rater notre saut et, d'une façon ou d'une autre, nous exploser littéralement par terre.

Jade fut la première à s'y lancer. Lorsqu'elle disparut sous l'eau, je fus prise d'un violent haut-le-cœur mais je me jetai moi aussi dans le tourbillon infernal. Un vent chaud m'enveloppa tandis que je tombais lentement. Autour de moi, l'eau cristalline bougeait doucement, mais sans jamais me toucher, comme si je me trouvais à l'intérieur d'un tuyau. Je tendis le bras et, au lieu de se plonger dans l'océan, mes doigts rencontrèrent une surface douce et tiède. Alors que j'admirais le paysage autour de moi, j'atterris dans une masse moelleuse qui dégageait un parfum salé. Je dus me faire violence pour quitter ce nid douillet. A quatre pattes, puis debout dans un équilibre précaire, je parcourus la dizaine de mètres qui me séparait du sol en m'enfonçant profondément à chaque pas dans ce que j'identifiai comme une éponge.

Je levai les yeux. La ville était plus belle encore que tout ce que j'avais imaginé. Les habitations, de magnifiques immeubles de cristal ornés de gracieuses arabesques, étaient grands à en fait pâlir l'Empire State Building. Ils perçaient le ciel telles des flèches et reflétaient la pâle lumière du soleil, illuminant la ville. Les rues étaient parfaitement propres, pavées de pierres blanches. De grands ponts, aux clôtures ornées de fleurs multicolores, enjambaient des canaux aux eaux turquoises qui se rejoignaient ici et là. Des gondoles y voguaient, faites de bois ciré; leurs noms étaient gravées d'or, leurs banquettes rembourrées, et ils étaient ornés de fleurs. Leurs conducteurs étaient élégamment habillés mais je tressaillis en apercevant les formes sombres couvertes d'écailles luisantes qui tiraient les embarcations. L'une d'entre elles passa non loin. J'admirai la cape brodée d'or de l'un de ses occupants mais surtout la robe de soie ornée de divers rubans colorés que portait sa femme, assise à côté de lui, une ombrelle dans la main. Je n'avais jamais vu quelqu'un d'aussi bien coiffé. Plus que tout, c'était le dôme qui m'impressionnait ; à des dizaines et des dizaines de mètres de hauteur, il formait un parfait hémisphère, et l'eau miroitait à sa surface.