Presque-fin XD

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Je ruminais depuis plusieurs heures ce que venait de nous dire Forkle. Je ne savais pas vraiment quoi en penser. C'était... très étonnant, bien sûr, mais finalement, après tout ce que j'avais vécu ces dernières semaines, plus rien ne me surprenait.

A côté de moi, Jade se triturait les doigts, tic nerveux. J'allais lui demander pourquoi elle était si inquiète lorsque je me souvins que nous allions rentrer chez nous et que nous en avions vu beaucoup trop.

Encore une fois, mon humanité me pénalisait: elle me valait une petite visite des Effaceurs.

J'eus envie de tout casser. Ce n'était pas juste. Ce n'était pas normal.

Effacer les souvenirs de quelqu'un, c'est le détruire. Les souvenirs forgent, les souvenirs vous composent.

Avaient-ils vraiment envie de me détruire, pour me remplacer par quelqu'un d'autre?

Peut-être bien que oui.

Je soupirai. Pendant mon séjour, j'avais découvert de nombreux défauts que la société elfe portait en elle au milieu de sa richesse et sa beauté - mais celui-ci était, de loin, le plus révoltant.

Révoltant car il concernait toute la population. Révoltant car ce n'étaient pas que les Invisibles, mais aussi le Conseil et le Cygne Noir qui s'abaissaient à ce genre d'horreurs.

Je fus prise par une envie incontrôlable de fuir. De courir, loin, très loin ; de m'échapper du Centre de Soins et de partir où mes jambes me porteraient. J'étais prête à tout abandonner, mais pas mes souvenirs.

Malheureusement, c'était peine perdue. Même si Jade et moi étions seules dans la pièce, je savais que, derrière la porte, deux gobelins montaient la garde - pas pour empêcher qui que ce soit de rentrer, il n'y avait personne de malfaisant ici, plutôt pour nous empêcher de sortir.

Même s'ils se donnaient du mal pour nous empêcher de les voir tels qu'ils étaient, les elfes n'étaient parfois pas assez doués pour cacher leur cœur de pierre.

Finalement, c'était pathétique. Forkle nous avait amenées ici pour convaincre le Conseil, car soi-disant, le Cygne Noir tenait aux humains, il voulait leur bien.

Je n'avais jamais entendu de mensonge aussi impardonnable.

Alors que je me noyais dans mes sombres pensées, la porte s'ouvrit. D'instinct, je me crispai. Alors, ça allait se finir de cette manière? Tout allait disparaître de mon esprit?

Je me détendis en constatant qu'il s'agissait de Sophie, et qu'elle était venue seule. Elle n'était pas Effaceuse, que je sache.

Elle s'approcha de nous. Elle regardait autour d'elle ; je sentis que quelque chose n'allait pas.

-Écoutez, les filles. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Il faut que vous partiez.

-Tu crois vraiment qu'ils nous laisseront partir sans nous avoir effacé la mémoire? Objecta Jade.

-Non. Et c'est pour ça que je vais vous aider à vous enfuir.

Nous nous levâmes d'un bond et empoignâmes nos sacs, déposés contre un mur. Elle prit nos mains et commença à léviter. Le plafond était haut, mais j'avais peur qu'il ne le soit pas assez. Lorsque nous ne pûmes aller plus haut, nous tombâmes. Je retiens un cri - les gobelins ne devaient pas savoir que nous nous échappions.

Tout se déroula presque comme dans un film: nous étions à deux doigts de nous écraser par terre lorsque nous disparûmes dans le néant. Nous flottions dans un noir complet. Mais presque aussitôt, nous nous écrasâmes sur de la pelouse.

Je me relevai aussitôt.

-Je suppose que c'est un adieu, soupirai-je.

-En effet, répondit Sophie. C'est mieux pour votre sécurité.

-Merci pour tout ce que tu as fait, lâcha Jade.

-C'est plutôt à moi de vous remercier.

Elle nous sourit. Ce sourire, je m'en souviendrai toute ma vie. Il était plein d'amour et de compassion.

La société elfe n'était peut-être pas aussi géniale que je le pensais.

Mais Sophie était encore mieux que ce que je pouvais imaginer.

Elle brandit son cristal de saut et disparut dans un rayon de lumière.

C'était fini.

Un rêve réaliséOù les histoires vivent. Découvrez maintenant