Chapitre vingtième

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   Tout avait la couleur des rêves, tout était chaud et irréel. 

   Encre était dans un sommeil doux et reposant, un de ces sommeils que la nuit ne peut donner, un sommeil qui tenait presque du rêve. Rien, un grand espace blanc, lumineux. 

   Le jeune squelette ouvrit doucement les yeux sur ce paysage immaculé, il se sentait léger. Confus, certes, mais léger et apaisé. 

   Encore un peu dans le vague, il se releva en titubant et regarda autour de lui. Un paysage nouveau s'offrait à ses orbites, celui d'un lac et d'un petit banc de pierre. Et, sur ce banc de pierre, il y avait une personne floue, androgyne, presque fantomatique, qui fixait le lac sans dire un mot, chantonnant vaguement un air oublié. Encre s'approcha doucement, peu rassuré, et sursauta lorsque son regard croisa celui d'un blanc laiteux de l'inconnu. 

-Très jolie robe, commenta le fantôme avec un sourire. 

   Un instant, par pur automatisme, le peintre pensa à sa chemise, simple, un pantalon ample et une paire de chaussures plus confortable. Lorsqu'il baissa les yeux sur ses genoux, gêné par la remarque, il se vit habillé de la façon la plus fidèle de ses pensées. 

   L'inconnu ricana avant de lui faire signe de s'approcher. Le peintre obéit en venant s'asseoir et regarda le cadre paisible où ils se trouvaient tous deux. 

-... Est-ce un rêve ? Ou alors... Suis-je mort ?

-À toi de voir, répondit l'être en regardant deux cygnes passer devant lui. 

-Ce n'est pourtant pas réel... 

-Cela ne fait pas parti de ta réalité, c'est vrai... 

   Il y eut un long silence uniquement troublé par le gazouillis des oiseaux, avant que le squelette ne lui pose la question qui le taraudait depuis un moment.

-Qui êtes-vous ? Je n'ai pas souvenir de vous connaître. Pourrais-je connaître votre nom ? 

-Mon nom ?... Oh... Cela fait des siècles que je l'ai perdu dans les tréfonds de ma mémoire... À jamais, j'en ai peur... 

   L'inconnu eut un petit rire triste avant de fixer le ciel en souriant. 

-Je suis un anonyme parmi tant d'autres désormais, dont plus personne ne se souvient... Et toi ? Pourquoi est-ce que je te retrouve en ce havre de paix ? 

   À la question, Encre ne sut répondre, fixant les deux oiseaux blancs qui se flattaient la tête comme le couple qu'ils étaient. 

-Un monstre m'a contraint à son hypnose, je ne puis me réveiller à mon bon vouloir. 

-Un monstre ? Comment est-il ? 

 -Il est tellement changeant, expliqua le peintre. Il change de visage à sa convenance, il ment comme il respire, il se plait à séduire et il est toujours en compagnie d'un serpent blanc qui a des yeux aussi violets que les siens... 

-Oh... Je vois... Donc c'est Adrian qui t'a fait ça ? 

-Vous le connaissez ? s'étonna Encre en dévisageant son interlocuteur, abasourdi. 

-Ce monstre est infâme de toutes les manières possibles... Et même les Rois ne parvinrent pas à l'anéantir tant ses pouvoirs étaient grands. 

   Se disant, il se leva et s'approcha de l'eau, faisant signe à Encre de s'approcher à son tour. Inquiet et dévoré de curiosité, le squelette obéit en observant la surface. Des images s'y profilèrent, celles de massacres et de batailles, de sang et de victimes. 

The Darkness of the SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant