Chapitre vingt-huitième

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Fallacy sentait son âme pulser de manière violente dans sa cage thoracique, emprisonnée dans cette prison d'os, sous les restes d'une armure carmin brisée. La mort des rois, de la reine, d'Encre, tout cela n'était qu'une immonde plaisanterie offerte par la nature. C'était impossible, comment le destin pouvait être aussi cruel, aussi froid, aussi égoïste ? On ne réclamait pas tant de vies pour son propre plaisir, c'était monstrueux !

Alors l'âme se replia sur elle-même et Fallacy regarda cette part de lui qu'il ne connaissait pas. Cette silhouette fantomatique forte et droite, face à lui qui était si faible en comparaison de toute cette clarté. Le squelette aux os noirs ne dégageait que noirceur et ténèbres.

-Eh bien, Fallacy, tu te reposes ? plaisanta la voix chaude et suave de l'apparition.

-Adrian ou quel qu'il soit a déjà gagné ! explosa le vampire en laissant couler de grosses larmes dorées, amères et salées. Jamais nous ne pourrons le battre, il a récupéré ses pouvoirs, trois sangs-purs ne parviennent qu'à grand peine à lui tenir tête et Encre... Encre... my love...

La silhouette brumeuse sembla sourire, puis posa une main sur l'épaule de Fallacy qui sursauta en relevant des yeux désespérés vers lui.

-Fallacy, mon enfant, tu n'es encore qu'un jeune homme perdu pour moi qui ai vécu plus d'un millénaire... Je regrette tellement de ne jamais avoir pu voir mon neveu grandir, nul doute que tu serais devenu ma fierté...

-V-Votre neveu ? hoqueta le squelette en ne comprenant rien à la situation. J-je n'ai pas...

Dans sa mémoire, il y eut un flot de souvenirs douloureux, de regards froids et dégoûtés de la part de ses parents, qui n'avaient jamais vu en lui autre chose qu'un être à l'âme gorgée de noirceur.

-Ce mépris de ta famille est ma faute, je le crains... Mon frères et sa femme étaient des êtres vils, je déplore qu'une âme aussi pure que la tienne ait dû subir leur négligence... Ton âme renferme ce qu'il reste du pouvoir d'Adrian. Il n'a pris qu'une partie de ce pouvoir en te blessant, le reste est ancré en toi et ne sera libéré que si je renonce à l'emprisonner.

Fallacy resta un instant à fixer le vide, à repenser à toute cette souffrance, à sa vie, à ces insultes, ces moqueries, ces blessures, puis il dévisagea calmement le roi des vampires en contenant sa rage.

-Toutes ces années... tous ces siècles à souffrir... Et vous avez le culot de me dire que vous êtes simplement désolé ? Avez-vous seulement idée de toutes les humiliations et de toutes les souffrances que j'ai enduré à cause de cette âme noirâtre, à cause de votre frère et de votre belle-sœur qui ne m'ont jamais considéré comme leur fils, de même que je ne reconnaissais pas ces monstres comme mes parents ? Savez-vous combien de larmes je me retiens de verser à chaque fois que je vois mon reflet dans un miroir ? Combien d'années j'ai passé à traiter mon fils comme on m'avait traité moi, sans m'apercevoir que je ne valais pas mieux que mes soi-disant parents ?

La silhouette se tut un long moment avant de l'enlacer sans un mot. Le squelette hoqueta de surprise et essaya d'abord de le repousser mais se stoppa en sentant une larme rouler dans son cou et des sanglots résonner dans l'espace de son âme.

- Je sais... Je sais tout ce dont tu as été victime à cause de moi... Je le voyais depuis ma prison, je le ressentais depuis ton âme, tout cela vibrait en moi... Mais je ne pouvais rien faire, cela ne t'aurais causé que plus de soucis encore... On t'aurait pris pour un Nécromancien, un mage noire... J'ai dû contempler l'horreur sans avoir cette fois aucune possibilité d'agir, en te regardant essuyer les coups, endurer les insultes, courber la tête devant tant de bassesse et d'injustice... C'est pourquoi je m'en veux de ne toujours pas pouvoir t'être d'une quelconque aide pour apaiser ton malheur...

The Darkness of the SoulOù les histoires vivent. Découvrez maintenant