Chapitre 8

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LOS ANGELES - CENTRE COMMERCIAL
10h01.

     Quand ma mère me disait « ne travaille pas avec des célébrités, Sam ! Elles te boufferont ! » je n'y voyais qu'une simple métaphore visant à me faire un peu flipper. Mais aujourd'hui, alors que je fais la queue à l'Apple Store depuis maintenant une heure et demie pour acheter le dernier téléphone en vogue à Asher, je comprend mieux. Surtout quand on sait comment il va finir : en miettes sur un parking.
Lorsque je tend la carte Platinum de l'entreprise à la vendeuse, elle me dévisage, comme si je n'étais pas assez bien coiffée pour détenir une telle somme. Je lui jette un regard noir, fatiguée d'avoir passée une grande partie de ma matinée à attendre, et elle me rend finalement un petit sac contenant mon achat.
Je profite d'être au centre commercial pour aller m'acheter quelques nouvelles tenues, et je repars finalement avec une chemise blanche, un jeans et des petites scandales à semelles compensées. J'essaie de rester assez sobre quand je vais au travail, et cette tenue fera bien l'affaire.
Je sors alors de la boutique, et je tombe nez à nez avec Cheryl, cachée derrière d'immenses lunettes de soleil.

- Samantha ! s'écrie t-elle en ouvrant les bras.

Elle me sert contre elle et je fais mon possible pour ne pas montrer ma gêne.

- Je ne m'attendais pas à vous voir ici, je lui dis.
- Je suis venue chercher une tenue pour la soirée de vendredi !
- La soirée ?
- Oui, tu sais bien, l'anniversaire des Studios Spielman.

Je l'écoute déblatérer sur le déroulé de la soirée mais je suis submergée par les souvenirs trop douloureux de mon enfance.
Mon père était absent à chacun de mes anniversaires, parce que le 4 mai 1998, il signait les papiers pour acheter son premier studio alors que ma mère accouchait.
Il a toujours fait passer son entreprise en premier.
Vendredi, les Studios Spielman et moi, nous aurons vingt-et-un ans.

- Samantha ?

Cheryl me sort de mes pensées, me dévisageant de ses yeux ronds par dessus ses lunettes.

- Pardon, le travail m'épuise en ce moment.
- Oh, il n'y a pas de problème. Tu sais quoi ? J'ai une idée. Tu devrais m'accompagner pour chercher une tenue. Ça te détendrait un peu ! s'exclame t-elle.
- Et bien, je dois aller..
- Ne t'inquiète pas pour ça. Robert et Agnes ne t'en voudront pas s'il savent que tu étais avec moi.

Je cherche silencieusement un échappatoire, mais je n'en trouve pas. Elle attend ma réponse avec impatience, le sourire aux lèvres.

- D'accord, je dis à contre-coeur.
- Super ! Allons chez Dior. Ils ont toujours des robes splendides !

Elle m'attrape par le bras et m'emmène en direction des boutiques de luxe. Je dois presque courir pour être à la même allure qu'elle, alors que ses talons font au moins une quinzaine de centimètres.
En rentrant dans le magasin, je la suis dans de petits rayons décorés par des mannequins en plastique portant les vêtements de la marque. Je n'ose même pas regarder les prix tellement les pièces me semblent chères. Cheryl remarque une robe longue faite de voiles bordeaux et demande à un vendeur de lui installer en cabine. Puis en changeant de couloir, elle s'arrête en face d'un grand mannequin portant une autre robe, beaucoup plus courte cette fois, couverte de petits sequins dorés.
Je suis entrain de me demander, perplexe, si elle envisage réellement de la porter à son âge, lorsqu'elle se retourne tout à coup pour me regarder.

- Celle-ci est pour toi ! crie t-elle en posant ses mains sur mes épaules.
- Non.. Ce n'est pas..
- Cette couleur ! Elle irait parfaitement avec ta peau bronzée ! Et puis, j'ai toujours trouvé que le doré allait beaucoup mieux aux brunes.

Je considère le vêtement sous tous les angles avant de ne pouvoir dire quoi que se soit. Elle est très belle, certes, mais aussi très voyante. J'aime les couleurs sobres, et celle là est tout le contraire.

- Mais, je n'ai pas les moyens de payer une telle somme..
- Si ce n'est que ça, je te l'offre ! Elle est splendide. Essaie la !

Sur ces mots, un homme vient immédiatement décrocher la robe pour l'emmener au fond du magasin.
L'air implorant de Cheryl me donne tout de même envie de l'essayer. Mais c'est hors de question qu'elle débourse le moindre centime dedans. Ça reviendrait à ce que mon père me fasse un cadeau, et cette idée me dépasse.
Nous nous dirigeons alors ensemble vers des cabines d'essayages et alors qu'elle sort avec sa robe longue lui allant à la perfection, je me plante devant le miroir pour me regarder. A mon grand étonnement, la taille et la coupe correspondent parfaitement à mes formes. Mais je retombe très vite de mon petit nuage quand mon regard se pose sur l'étiquette et le nombre à cinq chiffres écrit dessus.

- Tu es magnifique ! Cette robe est faite pour toi !
- Ah oui ? Je ne me sens pas très à l'aise dedans, pourtant.. je lui ment.
- Mais non.. c'est parce que tu n'as pas l'habitude de porter.. ce genre de vêtement. Elle te va comme un gant !

Je jette un dernier coup d'œil aux sequins brillants avant de repartir dans ma cabine. Je n'aurais jamais pensé que ce genre de chose m'irait.

- Non, vraiment.. ce n'est pas grave, je trouverais autre chose.
- Vraiment ? Tu es sûre ? me questionne Cheryl derrière le rideau.

Je ne lui répond pas et laisse glisser la robe le long de mes jambes le plus vite possible avant que je ne change d'avis.
Cheryl passe à la caisse après avoir choisi une paire d'escarpins, puis me souhaite une bonne journée avant que je reparte finalement aux studios.

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LOS ANGELES - STUDIOS SPIELMAN
12h10.

Lorsque je traverse le premier couloir du dernier étage, je suis surprise d'entendre la voix d'Asher provenant d'une des pièces. Je colle alors mon oreille à chacune des portes, jusqu'à en trouver la source. Quand je trouve enfin, je constate que la porte est mal fermée. Je la pousse alors un petit peu pour l'entre-ouvrir et découvre Asher sur un tabouret, une guitare acoustique dans les mains, chantant une ballade dont je n'avais jamais encore entendu la mélodie.

« If you live, I live
Please stay with me
Attacks become unbearable
So uncomfortable
If you die, I die
Please, I'm not ready »

Il chante d'une voix si cassée, si triste, que mon cœur s'affole en entendant ses paroles. Des frissons parcourent tout mon corps jusqu'à venir me piquer les yeux. Je suis contente qu'il ne me voit pas, parce que je ne sais pas le quel de nous deux a l'air le plus vulnérable. C'est un morceau qui ne ressemble absolument pas à ce que j'ai vu d'eux jusqu'à présent. Ce que je vois à cet instant ce n'est pas les Wavers. C'est un homme seul, brisé, qui ne retrouve son souffle qu'en chantant. Et mon dieu, cet Asher là est incroyable.


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BACKSTAGES WITH YOU, T1 - CŒURS DISSONANTSOù les histoires vivent. Découvrez maintenant