La salle 209

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Quelques jours avant de passer le code, Eugénie se posait toute sorte de question, mais aucune de ces questions n'avaient de rapport avec le code. Depuis le nouvel an ou plutôt depuis la petite séquence du livre jeté par terre, elle n'avait pas reparlé à Élias. Elle était gênée et le croiser au lycée était insoutenable. Élias avait déjà oublié, il n'avait pas l'habitude de se prendre la tête et quand c'était le cas, il trouvait toujours une solution pour remédier à ça. Ces solutions pouvaient être assez radicales, mais au moins ça fonctionnait.

Il était presque 17h00, Eugénie avait fini ses cours de la journée, mais elle voulait faire sa carte de géo au lycée. Les filles ne l'avaient pas suivie, au plus grand soulagement d'Eugénie qui avait besoin d'être libérée d'Angèle pour la journée.

Dans ses converses noires et sa veste en jean un peu trop grande pour elle, la blonde avait franchi les portes de la salle de travail 209. Alix était là, seul à une table. C'était assez louche, Alix était rarement seul. Pour cette fois, Eugénie avait préféré être prudente et prendre ses précautions. Elle avait surveillé les environs, pas de trace d'Élias, ni de quelqu'un de la bande. La voix était libre.

Elle s'était dirigée vers Alix qui était sur son portable et une fois arrivée au niveau de sa table, elle avait tiré une chaise vers elle, ce qui avait attiré l'attention d'Alix. Le châtain avait relevé ses yeux bleus sur Eugénie, il ne comprenait pas ce qu'elle était en train de faire. Il avait fini de taper son message, puis il avait verrouillé son portable avant de le poser sur la table. Il sentait déjà qu'elle avait un besoin urgent de parler.

– Tu me trouvais différente quand j'étais avec Élias ?

– Ah ok donc ça commence direct là ? Eugénie avait fait une moue boudeuse, Alix avait compris à ce moment précis qu'elle était sérieuse. Non, justement c'est plutôt maintenant que je te trouve différente.

– Pourquoi ?

– Je sais pas, genre ta façon d'être elle est plus pareille et aussi tu fais des trucs que t'aurais jamais fait avant du style continuer d'harceler Élias au téléphone ou ce que t'as fait l'autre fois aux casiers. Je trouve qu'y'a pas eu de changement quand t'étais pas avec lui et quand tu l'as été, t'étais la même. Maintenant t'es, je sais pas, bizarre.

Eugénie avait eu un moment de réflexion. Visiblement ce n'était pas son mois. Se prendre des uppercuts était devenu son quotidien.

– Tu vois je trouve qu'on a un peu trop tendance à tout remettre sur le dos d'Élias. Je parle pas forcément de toi hein, mais par exemple là tu viens me demander ça, donc quelque part c'est un reproche et je pense que t'as grave de la haine envers lui, après je comprends c'est normal, il t'a larguée, ouais je suis au courant que c'était pas votre décision à tous les deux, il me l'a dit. Bref, ce que je veux dire c'est que les meufs avec qui il est sorti arrivent à se mettre en tête que tout est de sa faute et que c'est un méchant. Genre Laure, c'est elle qui l'avait largué et pourtant c'est elle qui avait la haine après, elle mettait plein de trucs qui le visaient sur twitter, alors que c'était sa décision. Je peux comprendre que ça fasse mal quand on voit qu'il a l'air de s'en battre les couilles, mais il est comme ça, il montre pas quand ça va pas, c'est sa façon d'être. Mais je peux t'assurer qu'il en a pas rien à foutre de toi. Quand il t'a larguée, il est venu pleurer chez moi, c'est la première fois en presque 10 ans que je le voyais pleurer. Il s'est même mis en boule sur moi, j'avais dû m'occuper de lui comme mon gosse. Par contre lui dit pas ça, il dit que ça que nique sa virilité.

Eugénie avait souri, c'était triste, mais savoir qu'Élias avait pleuré au point de se mettre en boule sur Alix lui avait fait quelque chose. Élias avait pleuré pour elle et ça ne la laissait pas indifférente. Alix lui avait dit qu'elle ferait mieux de partir parce qu'Élias allait arriver, mais Eugénie avait répondu que ça tombait bien puisqu'elle avait quelque chose pour lui.

Avec une légère boule au ventre en sachant qu'Élias allait bientôt arriver, Eugénie avait ressenti le besoin de parler à Alix, mais pas seulement d'Élias. La blonde avait encore une plaie ouverte qui ne guérissait pas.

– En fait je crois que c'est pas seulement le fait de plus être avec lui qui fait mal, c'est un mélange de plein de trucs. Ses potes c'était devenu mes potes quelque part et toi t'as préféré être de son côté.

– Je suis pas de son côté et je t'interdis pas de venir me parler.

– Oui, mais c'est différent maintenant et dis pas le contraire. J'étais autant ta pote que lui.

Et leur conversation avait été interrompue par l'arrivée d'Élias dans la salle. Eugénie avait baissé les yeux et Alix s'était retourné en comprenant que son meilleur ami était là. En voyant son ancienne copine, Élias avait soupiré sans qu'elle ne le voit, non pas que ça le dérangeait qu'elle soit là, mais il n'était pas prêt à devoir l'affronter. Il avait comme perdu ses bijoux de famille.

Du haut de son mètre 80, Élias s'était ramené à la table de son meilleur ami et de son ex. L'ambiance était vraiment trop bizarre. Il s'était assis à côté d'Alix et sans rien dire, il avait posé son eastpack bleu ciel sur la table pour pouvoir poser ses bras croisés dessus et sa tête en fermant les yeux. Il était épuisé. Pour rigoler, Alix avait passé une main dans ses cheveux bouclés en lui glissant : « Ça va pas bébé ? ». Élias avait juste répondu : « Fatigué » sans même prendre le temps de formuler une phrase entière. Il avait gardé sa veste au-dessus de son sweat vert sapin, un sweat que la blonde affectionnait tout particulièrement. En fait, elle aimait tous ses sweats et tout ce qui était assimilé de près ou de loin à lui.

Eugénie avait attendu qu'Élias enlève son sac de la table pour sortir ce qu'elle avait ramené pour lui. Les garçons avaient commencé à parler entre eux, la blonde s'était sentie de trop, mais pendant qu'ils continuaient de parler de la prof d'espagnol, Eugénie avait glissé sur la table une bd Boule et Bill vers Élias. Les yeux d'Élias étaient tombés sur la bd rouge qu'Eugénie lui avait payé, la conversation s'était stoppée et un rayon de soleil s'était collé sur le visage du brun. Comme ça, à sourire bêtement pour une bande dessinée, il avait l'air d'avoir 4 ans. Eugénie n'avait pas oublié qu'il était un grand fan de Boule et Bill.

– Je l'avais pas celle-là.

– Je sais, je me souviens à peu près de celles que t'as.

– Bah merci.

Élias ne pouvait pas être plus heureux et Eugénie ne pouvait pas être plus heureuse que de le voir sourire pour du Boule et Bill. Et sans que personne ne s'en rende compte, la résolution d'Eugénie de ne plus jamais parler à son ex petit-ami venait de tomber à l'eau comme un bout de pain aux canards.

Eugénie sans ÉliasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant