PDV : Lisa
Je fixe durement ma mère, attendant des explications. Je viens de rentrer chez moi, et la seule chose que j'ai été capable de prononcer lorsque j'ai aperçu sa tête, a été ;
- Est-ce que grand-mère est morte ?
Ma mère a laissé tomber son verre de vin par terre, et le liquide rouge s'est renversé sur le sol. Tel du sang. Une énorme flaque de sang.
- Pourquoi... pourquoi me demandes-tu cela ?
- À ton avis ? On était dans ce putain de café, maman ! Et on t'a vu. Alors on a suivi cette femme. Jusqu'à son immeuble, et là... le portier nous a dit que Madame Olsen ne devait pas recevoir de visite aujourd'hui. Nous connaissons deux Madame Olsen : toi et grand-mère. Tu n'habites pas dans cet immeuble et grand-mère est censée être morte !
Ma mère s'effondre sur le canapé.
- Je... je pense que l'on devrait attendre ta sœur pour parler de ça.
Je m'assois à l'opposé d'elle, furieuse. Elle se lève du canapé puis s'empresse de nettoyer les morceaux de verres et le vin, par terre. Elle se rassoit ensuite sur le fauteuil en cuir en face de moi, et triture nerveusement ses longs ongles, vernis de rose pâle et discret.
Je lui en veux, et je suis en colère. Rien de ce qu'elle me dira ne pourra apaiser ma haine envers elle. Pendant des années elle m'a fait croire qu'une personne de ma famille, de sa famille, était morte. Pourquoi ? Je n'attends qu'une seule chose, que Léna rentre, et que je découvre enfin la vérité. Peut-être que je pourrai ensuite tenter de lui pardonner. Peut-être.
Quelqu'un là-haut semble avoir entendu ma prière puisque la porte du loft s'ouvre et laisse apparaître ma sœur. Elle dévisage ma mère un instant puis vient s'assoir à mes côtés sur le canapé.
- Tu peux parler maintenant, maman. Nous t'écoutons attentivement.
Ma sœur hoche la tête positivement, pour appuyer mes propos. Tandis que ma mère retient ses larmes.
Je ne l'ai jamais vu pleurer. Jamais. Même lorsque qu'elle s'est séparée de papa, aucune larme n'a coulé sur ses joues. Elle se retient toujours devant les gens. Ou alors elle ne sait pas pleurer. Peut-être qu'elle a oublié. Ou qu'elle n'a jamais su. Du peu qu'elle nous a raconté, ses parents étaient très exigeants et sévères, peut-être ne l'autorisaient-ils t'elle pas à pleurer ?
Des gens pensent que pleurer est un signe de faiblesse, mais je ne suis pas d'accord avec cela. Pour moi, pleurer est quelque chose qui nous permet d'extérioriser nos émotions. Et ça fait du bien de pleurer un bon coup parfois, de tout laisser sortir, puis de réfléchir un moment à la raison qui a faite couler nos larmes. De les essuyer, puis de respirer un instant. On se sent mieux après ça. Je me sens mieux après ça.
- Ma mère s'appelait Annie. Elle avait une sœur jumelle ; Laura. Elles étaient très proches, complémentaires, prêtes à mourrir pour l'autre. De vraies jumelles fusionnelles. Et puis, Laura a rencontré Justin. Ça a été un véritable coup de foudre entre eux. Alors, Laura s'est un petit peu éloignée d'Annie. Laura et Justin se sont mariés très rapidement, et quelques années plus tard, ma mère est tombée enceinte : je suis née. Ma mère m'a élevé seule, et j'ai grandi sans connaître l'identité de mon père. Ma mère était une femme froide, stricte, distante. Pas très chaleureuse. Le contraire de ma tante Laura, qui était une femme solaire, douce, et si gentille.
Notre mère prend une longue inspiration, émue. Elle ne nous a jamais parlé de sa famille ainsi, auparavant. J'ai l'impression de découvrir une histoire totalement inédite, et je me demande pourquoi elle l'a gardé secrète pendant si longtemps.
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Notre Journal Intime [ TERMINÉ ]
RomansaLisa a seize ans. C'est une jeune fille ouverte, sociable, d'une grande gentillesse, un brin séductrice. Léna a seize ans également. Elle est plus renfermée sur elle-même, aime être seule, a du mal à aller vers les autres, et est très intelligente. ...