6. Julian

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Les premiers mots sont toujours les plus difficiles à sortir. Ils sont la représentation de la pudeur. Mais une fois cette barrière franchit, les phrases coulent comme un torrent. Julian n'était pas le premier, et encore moins le dernier, à faire ce constat. Et c'est avec euphorie et surprise qu'il s'émerveilla de cette facilité. Lui, qui avait peur de ne pas savoir comment aborder le sujet, voyait ses pensées prendre forme sur la feuille.

10 Octobre 2020 – Ploërmel

Je suis une pute. Comment le dire autrement? Je vends mon corps contre de l'argent. Depuis cinq ans maintenant. Dans le métier, on m'appelle...Non. Je préfère ne pas le dire. Mais je peux parler de moi. Car moi, je ne suis personne. Je m'appelle Julian. J'ai vingt-trois ans et je me prostitue depuis cinq ans déjà. Depuis ma sortie du Lycée en fait.

Vous devez certainement vous dire que je gâche ma vie, que j'aurais pu faire autre chose et que si j'ai commencé, c'était parce que je le voulais bien. Et bien, c'est faux...et en même temps il y a certainement une part de vérité. Je voulais devenir avocat, mais les études de droit coûtaient cher.

J'avais besoin d'argent et rapidement afin de payer mon année, mais trouver un emploi s'avéra bien plus difficile que ce que je pensais. Au final, les quelques offres que j'avais ne m'auraient même pas aidé à payer la moitié d'une année. J'étais au fond du gouffre. Mais comment expliquer à mes parents que j'abandonnais mon rêve? Après tout ce qu'ils avaient sacrifiés pour que je réussisse...

Je ne pouvais pas leur faire ça. Ils me payaient déjà mon appartement et toutes les factures qui allaient avec. Je ne pouvais pas leur en demander plus. De toute manière, ils n'en avaient pas non plus les moyens et je ne voulais pas qu'ils prennent un nouveau crédit juste pour moi. J'avais besoin d'un moyen rapide de me faire de l'argent, et vite.

C'est à ce moment que K est apparu dans ma vie. J'étais allé dans un bar, bien que je n'avais pas les moyens de me payer un verre. Je me nourrissais des cacahuètes laissés par les clients, espérant ainsi sauter un autre repas tout en donnant à mon estomac l'illusion d'être rassasié.

K me proposa un plan pour gagner de l'argent rapidement. Méfiant, je lui ai ris au nez, mais il a insisté. Il m'a dit que je pourrais me faire cent euros par jour juste en lui donnant quelques heures par ci par là. J'ai poliment refusé, lui disant que je ne baignais pas dans la drogue, mais ce fut à lui de me rire au nez.

Il m'a dit qu'il ne s'agissait pas de ça. Que jamais il ne tremperait là dedans. Non. Lui, il avait créé une entreprise. Il suffisait simplement de tenir un peu compagnie à des personnes seules, leur remonter le moral. Intrigué, j'ai accepté de réfléchir à sa proposition. Il m'a donné rendez-vous sous un pont pour le lendemain soir.

Le lendemain, je me suis rendu au lieu de rendez-vous, ne sachant à quoi m'attendre. Bien sûr, je me doutais bien que quelque chose de louche se tramait là-dessous, mais si cela ne touchait pas la drogue, je me fichais bien d'enfreindre légèrement la loi. Au point où j'en étais, j'aurais tout accepté. Et ce n'était pas un euphémisme.

K semblait ravi de me voir arrivé. Il fit signe à une fille légèrement vêtue de venir nous rejoindre. Une dénommée Krystal. Certainement un pseudonyme. Elle m'expliqua avoir empoché deux cents euros le jour même, que la première fois était toujours la plus difficile mais qu'après, on y trouvait son compte. Je n'ai pas compris de quoi il en retournait, ou, pour être plus exact, je faisais semblant de ne pas comprendre.

Je n'arrivais pas à croire ce que me proposait K. Cela ne pouvait être qu'une mauvaise blague. Mais il était sérieux. D'après lui, de plus en plus de clients réclamaient des hommes. K leur offrait d'assouvir leurs fantasmes les plus honteux, et quand d'autres n'offraient qu'un type de service, K, lui, était réputé pour répondre à toutes leurs excentricités.

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