7. Vanessa

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Vanessa posa les verres sur la table et adressa un sourire aux clients. Comme tous les samedis, la salle était bondée et elle ne finirait pas son service avant minuit...si elle avait de la chance. La jeune femme s'étira et alla prendre la commande des clients. Elle échangea un regard rempli d'encouragements avec Jennifer, sa collègue, avant d'aller récupérer des plats.

A vingt-deux heures, la salle était encore pleine de monde, mais le Langousto n'acceptant plus les nouveaux arrivants, Vanessa en profita pour s'asseoir quelques minutes. Elle avait le dos, les bras et les pieds en compote et ne rêvait que d'une chose: Une bonne nuit de sommeil.

Malheureusement, elle devrait patienter quelques heures de plus avant d'enfin exaucer son souhait. Reprenant le lendemain à dix heures, la nuit allait encore être très courte. Mais depuis le temps que Vanessa travaillait ici, elle avait prit le rythme. Et si certains jours étaient plus difficiles que d'autres, elle savait qu'elle serait d'attaque le lendemain sans aucuns problèmes.

Vingt-deux heures trente. Vingt-trois heures. Minuit. Il ne restait plus que trois tables et Vanessa en profita pour s'avancer dans le ménage. Jennifer venait de se changer et s'avança vers elle, hésitante.

-Vanessa, tu es sûre que ça ne te déranges pas si je te laisse? lui demanda-t-elle pour la troisième fois en moins d'une heure.

-Mais non Jenny, ne t'en fais pas, soupira la jeune femme en passant un dernier coup de chiffon sur la table, il n'y a plus grand monde, je devrais m'en sortir sans problème.

Jennifer déposa un baiser sur la joue de sa collègue et amie avant de quitter le restaurant. Vanessa soupira, stoppant momentanément la tâche qu'elle était en train d'accomplir. A trente-cinq ans, Jennifer était mère célibataire de trois enfants. Elle se tuait au travail pour simplement survivre.

La moitié de son salaire partait chez la nourrice, et elle finissait toujours ses mois dans le rouge. Elle en parlait souvent à Vanessa, lui répétant sans cesse qu'elle devait profiter de sa jeunesse pour épargner. Et la jeune fille suivait ses conseils avec sagesse.

Vanessa termina le nettoyage des tables et alla encaisser les clients qui avaient décidés de partir tous en même temps. Une fois le restaurant fermé, elle entreprit le nettoyage du sol. Une bonne heure plus tard, Vanessa fermait les portes à clé et activa son réveil. Il était deux heures du matin et elle devait reprendre le travail dans à peine huit heures.

Le levé allait être difficile, la jeune fille n'en doutait pas une seconde. Malgré cela, elle prit la peine de suivre son rituel journalier et fit un détour vers le centre ville. La fraîcheur de la nuit l'aidait à rester éveillée et le silence qui l'accompagnait lui permettait de faire le point sur sa vie.

Elle aimait ce moment rien qu'à elle. Cela lui permettait d'évacuer le stress des longues journées de travail et de rêver à des jours meilleurs. Elle n'était pas malheureuse en soit, mais ce rythme de vie l'épuisait. Parfois, elle avait juste envie de tout plaquer et prendre un job, certes moins bien payé, mais aux horaires plus sympathique. Mais à chaque fois qu'elle songeait à démissionner, les factures la rappelaient à l'ordre, lui rappelant que rien ne valait la sécurité de l'emploi, aussi difficile soit-il.

Vanessa arriva devant la petite boîte à livres. Elle farfouilla dans les étagères à la recherche de perles rares qui l'accompagneraient dans sa solitude. Malheureusement pour elle, cette fois, elle n'avait le choix qu'entre des romans qui ne l'inspiraient pas du tout et des bandes dessinés qu'elle avait déjà lu des dizaines de fois.

Faisant le point sur le choix qui s'offrait à elle, la jeune femme remarqua cahier, glissé entre deux Asterix. Curieuse, elle le récupéra et, à la lueur des lampadaires, en regarda l'état. Le jugeant satisfaisant, elle décida de le ramener chez elle. Vanessa aimait les surprises, et devoir attendre d'être dans sa chambre pour voir ce qui se trouvait dans ce cahier l'amusait grandement.

La jeune femme reprit sa route, veillant à ne pas marcher trop vite, frissonnant d'impatience. Cette façon de faire lui rappelait les matins de Noël avec ses parents, quand elle devait attendre que tout le monde soit là pour ouvrir les cadeaux. En grandissant, elle avait prit l'habitude d'agir comme si chaque découverte était un nouveau matin de noël. Ainsi, même si la surprise était mauvaise, l'excitation du moment restait savoureux.

Arrivée chez elle, Vanessa se déshabilla et enfila un pyjama une pièce avec capuche licorne qu'elle rabattit sur sa tête. Elle récupéra un reste de pâtes au réfrigérateur qu'elle fit réchauffer avant d'aller s'installer sous sa couette. Après son repas, la jeune fille laissa sa vaisselle sale aux pieds du lit et se cala confortablement contre son oreiller. Elle ouvrit le cahier et entama sa lecture. Et comme Léa, Simone et Julian avant elle, Vanessa découvrit la première page de cet étrange livre.

20 Février 2020 – Nice. Règle numéro 1 : Ne me déchire pas. Règle numéro 2 : Lis moi avec attention. Règle numéro 3 : Ecris quelque chose sur toi. Règle numéro 4 : Ne me garde pas.

Vanessa fronça les sourcils, se demandant ce qu'il se passerait si elle décidait de déchirer ce livre ou de le brûler. Elle se mit à rire toute seule en imaginant subir une quelconque malédiction, comme ce que les stupides chaînes qu'elle recevait en mail promettaient à ceux qui ne faisaient pas circuler l'information.

Durant un instant, la jeune fille eut l'idée d'en faire des confettis, et seule sa curiosité naturelle l'empêcha de passer à l'acte. Après tout, elle pouvait au moins prendre le temps de voir ce que d'autres avaient pu écrire avant elle. C'est ainsi que son instinct maternel se réveilla pour Léa et que la vie de Simone l'attendrit. Puis vint le récit de Julian.

Etait-ce sa vie difficile qui la marqua ou bien le fait qu'ils vivaient dans la même ville ? Vanessa ne savait pas très bien, mais elle ressenti une affection particulière pour ce jeune homme. Quatre heures. Cinq heures. Six heures. Sept heures. Le soleil commençait doucement à se lever. Vanessa, ayant abandonner depuis longtemps l'idée de dormir, se servit une septième tasse de café.

Elle reprenait le travail dans trois heures mais elle ne pouvait lâcher son regard du cahier. Inlassablement, elle lisait et relisait les mots de Julian, avec une étrange fascination. Il vivait dans la même ville qu'elle. Peut-être qu'elle pourrait le retrouver ?

Vanessa secoua la tête. Il y avait peu de chance qu'elle puisse tomber sur lui par hasard de toute manière. Soupirant, elle prit un stylo dans sa table de nuit et le mordilla. Que pouvait-elle écrire d'intéressant ?

La boîte à livresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant