La Prédatrice

26 Le toast d'un ange

-Dépêche toi, gamine! On a pas le temps!

-Oui patron!

-Tu vas servir ça à la table des officiels! Et tu fais gaffe à rien renverser, une seule goutte de ce champagne vaut au moins une journée de ton salaire!

Vieux con.

Je suis dans un restaurant du premier, habillée en serveuse. Un restaurant assez réputé, dans lequel j'ai réussi à m'infiltrer en tant que serveuse pour un jour. Bien évidemment, première chose à faire, camoufler mon identité. Mes cheveux noirs et raides sont cachés sous une perruque de cheveux blonds et ondulés, et je porte un de ces masques en plastique capables de changer l'apparence du visage, le tout caché sous une bonne dose de maquillage. J'aime vraiment pas ces trucs, ça colle, ça fait chaud, je transpire à fond en dessous, et ça fait super mal au moment de l'enlever. Mais bon, il faut avouer que c'est pratique pour ne pas être reconnue quand j'agis à visage découvert comme ça.

Ma cible d'aujourd'hui: un entrepreneur, jeune, beau, dynamique, mais également un peu trop adepte du jeu, et qui est allé se réfugier dans les jupes des Falconis pour échapper à ses - nombreux - créanciers du clan Sforza. Encore une histoire de mafia, oui, mais bon, il faut s'y attendre dans cette ville pourrie jusqu'à la moelle.

Mon boss veut envoyer un message clair. Payez. Et surtout n'imaginez pas que passer à l'ennemi va vous sauver. Ce serait plutôt le contraire, d'ailleurs.

Je m'approche de la table en portant mon plateau empli de coupelles de champagnes pleines. Porter un plateau comme est un jeu d'enfant pour moi, qui ai écumé les restaurants de la ville à la recherche de petits jobs au début. Ce doit être un repas d'affaire ou en entreprise, car il y a beaucoup de monde. Ma cible, Alexio Grant, est en bout de table, et domine l'assistance. Je souris légèrement, mais me reprends. Les flûtes quittent peu à peu mon plateau pour se retrouver au bout des assiettes des convives, et je me prépare à celle qui scellera le destin de notre cher Alexio.

Je saisis la coupelle qui lui est destinée. Au creux de ma main, se trouve la pilule mortelle. Tout en lui tendant son verre, je lui fait mon plus beau sourire, et lâche le poison dans le liquide, qui se dissout avant même que quiconque l'ai remarqué. Mon sourire a eu son effet.

-Et en plus nous sommes servis par un ange! Plaisante Grants, s'attirant les rires des convives, et un ricanement de ma part, alors que je continue à servir les verres.

Oui, un ange, Grants. Un ange de la mort. J'espère que tu vas passer une bonne nuit.

Aussitôt ma tournée terminée, je me hâte d'aller en cuisine, j'esquive les ordres des cuistots, et me dirige vers le cellier et le sous sol. Là, rapidement, j'enlève mon uniforme, ma perruque et mon masque, et enfile mes habits normaux que j'y avais cachés. J'enfonce tout l'attirail dans mon sac, puis je remonte l'air de rien. Je suis méconnaissable par rapport à la serveuse dont j'avais pris l'apparence. En haut, c'est la panique. Alexio s'est effondré après avoir bu dans sa coupe de champagne. La salle est en ébullition, les gens courent de partout, et il m'est très simple de me diriger vers la sortie. Vous allez me dire "c'est pas dangereux de garder toutes ces preuves dans mon sac", ce à quoi je réponds que je préfère les brûler moi même que de les laisser ici: elles ont mon ADN, après tout. Je m'éloigne rapidement du lieu de mon crime. J'aime vérifier que le travail est bien fait, mais dans le cas du poison, c'est toujours un peu plus difficile.

***

-Et comment tu peux être sûre que ça a marché?

-Le poison, en général, ça marche plutôt bien tu sais.

-Oui, mais j'ai lu dans un de tes livres qu'il y a des "anti poisons"... je crois...

Je souris en voyant les sourcils froncés de Marie, en pleine réflexion sur le mot qu'elle a lu.