44 La nouvelle Roulette Russe

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Il gèle. J'ai les doigts complètement engourdis par le froid qui s'est abattu comme une chape de plomb sur la ville à la tombée de la nuit. Les rues sont vides, et seuls quelques vieux lampadaires en fin de vie éclaire les environs de leur lueur tremblotante. On entend le vent siffler dans les arbres d'un parc tout proche. Le ciel est pourtant dégagé, et une belle lune orne la voute céleste.

-Ce serait criminel de mettre fin à une vie durant une si belle soirée, n'est-ce pas...? Dis-je pour moi même.

Marie n'a pas du tout apprécié l'idée que je reprenne mes activités, mais elle a dû se faire une raison: elle n'a pas vraiment de qualification pour trouver un emploi, et tuer est la seule chose que je sache faire... et qui rapporte autant. Et puis ce job pourrait me permettre de lui faire plaisir... après tout, Marie se plaint de ne rien avoir à faire, de s'ennuyer... si je lui propose de travailler dans cette possible antenne du Sappho, je suis sûre qu'elle sera ravie.

Bon. J'avoue, l'idée de la voir travailler et passer ses journées loin de l'appartement ne m'enchante pas. Mais je dois me faire à l'idée que Marie ne supporte plus d'être enfermée. Notre séjour loin des ennuis de la ville lui a fait beaucoup de bien, mais l'a aussi changée. Elle prend en maturité, et me laisse moins décider de tout. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'un autre accident n'arrive si je la laisse enfermée. Alors, tant qu'à faire, autant lui apprendre un métier tout en lui permettant d'être à l'abri - Jill n'en a pas forcément l'air, mais ce n'est pas une rigolote. Et puis, comme elle l'a dit, le 8e est plus sûr. C'est un quartier étudiant, elle pourra peut être rencontrer des gens de son âge. Des gens... normaux, de préférence. 

Ya plus qu'à espérer que tout ça se goupille correctement. Au prix de la seule vie d'une vieille peau pas très fair play, c'est peu cher payé, quand même.

Je me résume ce que je sais de ma cible en entrant dans son bar: une vieille quinquagénaire avec un peu trop de masse corporelle pour sa propre santé, originaire d'un pays d'Europe de l'est, et se nommant Svarski. Son prénom, je m'en fous pas mal, j'avoue. De toute façon, je ne m'attends pas à recevoir un quelconque faire part de décès. Ses cheveux sont teint en un rose bonbon immonde, et son bar sent les relents d'alcool pas frais. Rien à voir avec le Sappho. Pourtant l'endroit, semble chic et cher. On sent que le précèdent propriétaire a mis toute son âme dans cet endroit, et la nouvelle parvient à faire passer le tout pour un vieux pub puant. Mais, à ce que je vois, la clientèle est pourtant au rendez vous. Une bande de mecs braillards s'excite au bar, alors qu'un groupe de vieux discutent bruyamment sur une table au fond de la pièce. Deux groupes de filles bien éméchées sont là également, et semblent se disputer l'attention des mecs. Pfeu. Je serais tentée de leur montrer ce qu'elles ratent, mais bon, pas durant le boulot. 

Ah, et j'ai une meuf aussi, maintenant. Merde. Faut que j'arrête de me laisser appâter par mes pulsions. Ça ne me poserais personnellement pas de soucis, mais Ambre m'a bien dit "Niet", alors je vais l'écouter. Je me place au bar, tout en ignorant les bêlements intéressés d'un des mecs et les regards outrés des filles. 

-Salut. Dis-je à la bartender, une jeune qui semble assez peu à sa place dans ce bar sordide, avec sa belle robe et son maquillage. Une employée, sans doute.

-Bonjour! Je vous sers quoi?

-Ce que t'as de meilleur.

On va bien voir si l'odeur m'a bien renseignée sur la qualité de l'alcool. Elle me sert un verre d'un liquide jaunâtre que je n'identifie pas vraiment, et me le tend. J'y trempe les lèvres. Ça arrache. C'est fort. Mon estomac est en feu. Je lui ai demandé ce qu'elle avait de meilleur, pas ce qu'il avait de plus fort. J'ai l'impression de boire de l'alcool à brûler!

La PrédatriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant