chapitre 1

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Prologue

Rocky 14 ans

—Tu verras Rocky  on sera heureuse ici à Providence. Sam est employé de banque il a une jolie maison où il vit seul.

Ma mère me parle une cigarette au bec au volant de  sa volvo 240, une vieille carcasse qui n'est même plus vendu nul part tellement elle est pourrie et qui est tombée en panne des centaines de fois entraînant son lot de galères, et d'humiliations.

—Alors dis quelque chose ! Tu n'es pas contente que ta maman ait enfin trouvé l'amour ?

Je lève les yeux au ciel et me contente de regarder par la fenêtre.

Combien de fois ai- je entendu ce discours de résurrection, combien de fois ai- je vu ce regard plein d'espoir sur son visage ? Je me demande souvent, pourquoi ma mère continue d'y croire. Après tous ces déconvenues, il faut être débile pour ne pas renoncer à l'amour.

Je me fais la promesse solennelle de ne jamais être aussi bête. Sa naïveté et son romantisme chevronné m'exaspèrent. Parfois je voudrais la secouer.

De mon côté je suis l'adolescente la plus scinique de la Terre. Ça fait bien longtemps que je ne crois plus à toutes ces conneries. Ni à ses pauvres tentatives d'enjoliver la réalité, en prétendant que notre vie dissolue à passer d'état en état, de mec en mec est une formidable aventure ! Un road trip ! Un film à la Thelma et Louise. Mes fesses oui !

Petite, je tombais dans le panneau évidemment ! Je prenais ma mère pour une héroïne des temps modernes, une femme libre une affranchie, j'avais l'impression d'avoir de la chance d'être constamment sur la route. Je voyais des paysages magnifiques alors que les autres enfants de mon âge s'ennuyaient à l'école.

Mais peu à peu, à force de fatigue, et d'emmerdes mon innocence s'est évaporée et j'ai découvert l'envers du décor. Les quartiers insalubres ou nous débarquions, les nuits passées  dans notre voiture. Les bars où maman essayait de trouver un nouvel amoureux, pendant que je jouais avec des dessous de verres, la faim tiraillant mon estomac.

De toutes nos mésaventures j'en ai conclu trois choses fondamentales: la vie est une succession de problèmes à régler, les hommes sont des connards à éviter et les promesses n'engagent que les imbéciles qui veulent bien y croire.

—Tu auras  même ta propre chambre !  continue-t-elle sans se soucier de mon silence.

— Chouette! Ironisé-je.

Comme si j'étais une enfant gâtée pourrie et que ma préoccupation principale était de ne pas partager ma chambre. Si elle savait ? Dans ma tête la valse des questions a déjà commencé sa ronde étourdissante.

Est-ce que mon nouveau beau père va me mater ou essayer de me coincer dès que maman aura le dos tourné comme le connard numéro 4 ? Est-ce qu'il va me faire comprendre que je ne suis pas vraiment la bienvenue dans sa maison, en épiant mes moindres faits et gestes et en rationnant ma nourriture, comme l'ex connard  numéro 3 ? Est-ce que le nouvel établissement que je vais fréquenter sera aussi horrible que les précédents ?

Jusque là ma scolarité a été une succession de difficultés de compréhension et de problèmes d'intégration. « Il faut essayer de t'intégrer Rocky ». Plus facile à dire qu'à faire.
N'étant jamais resté au même endroit suffisamment longtemps pour me faire des amis, je n'ai pas développé les compétences sociales qu'il faut. Enfin c'est comme ça que j'explique mon isolement.

Se faire accepter dans un bahut  en cours d'année demande une énergie folle. Et moi je n'ai ni la motivation de faire des efforts, ni la patience de donner de l'épaule aux bonnes personnes pour m'en sortir. Je préfère rester seule. Être seule, vous évite bien des problèmes et ça c'est la règle numéro 4.

Touchdown ( sous contrat d'édition) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant