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him

naomi se leva très tôt, ce matin-là. appuyée contre le bar de la cuisine, elle sirotait un verre de limonade, totalement dans les vapes. la veille, elle était partie en trombe de chez june, et n'était pas certaine de la revoir avant quelques temps. son emploi du temps était trop chargé, et elle ne pouvait pas se résigner à laisser tomber les cours pour une fille.

elle s'habilla en vitesse, enfilant ce qui lui tombait sous la main, sans réfléchir, et sortit de la maison sans même prendre la peine de se maquiller. son sac sur l'épaule droite, comme à son habitude, elle descendit l'allée qui reliait la villa qu'elle occupait avec ses parents à la route peu passante de la bourgade où elle vivait. il lui fallut moins de dix minutes pour se retrouver devant son arrêt de bus, à 07h14.

elle était en avance, pour une fois. le vent soufflait, et elle resserra les pans de son grand manteau noir en soufflant sur ses mains gelées pour les réchauffer. son regard tomba sur une griffure d'une dizaine de centimètres qui lacérait son bras livide. elle releva sa manche et l'observa de plus près. le sang perlait encore par endroits. la blessure était toute fraîche, et elle se creusa l'esprit mais ne trouva pas d'où elle pouvait provenir. cependant, elle ne s'inquièta pas et reprit le mouvement frénétique qu'elle effectuait avec ses bras afin de ne pas mourir congelée en plein mois de septembre.

elle sortit ses écouteurs de sa poche, et lança la seule musique qu'elle avait voulu enregistrer sur son téléphone. 'song for a dream', d'Indochine, résonnait dans sa tête vide de toute pensée. elle regarda pourtant sa montre : 07h19. son bus n'allait pas tarder.

alors qu'elle se préparait à monter dans le car qui allait arriver d'un moment à l'autre, elle vit une voiture noire aux vitres teintées s'avancer vers l'endroit où elle se trouvait. elle ne bougea pas et se contenta d'observer. la voiture se rangea sur le bas-côté et un garçon en sortit. il claqua la portière et avança vers elle. son regard vrillait le sol, et il ne semblait pas s'être rendu compte qu'il n'était pas seul. quand il releva la tête, les yeux bruns de naomi le regardaient, un peu hébetés. il sourit, puis baissa de nouveau la tête et fixa ses baskets, mains dans les poches et écouteurs dans les oreilles.

la première chose que naomi pensa en le voyant, c'était qu'il lui rappelait quelqu'un. il lui rappelait la seule personne qu'elle ait réellement aimé un jour : A. c'était un garçon de son collège, il était indescriptible, mais elle avait toujours eu l'impression de voir en lui quelque chose dont les autres ne s'apercevaient pas. le visage du garçon qui se trouvait en face d'elle était identique, parfaitement semblable à celui de A. le même nez aquillin, les mêmes lèvres pulpeuses et le même sourire en coin, d'une beauté glaciale, énigmatique. il lui fallut moins de trois secondes pour avoir une attirance toute particulière pour la personne assise à côté d'elle, devant cet arrêt de bus. et moins d'une demi-seconde pour se rendre compte que le car était arrivé, avec très exactement 3 minutes de retard.

naomi grimpa à l'intérieur, inconsciente des visages aux traits tirés qui la reluquaient avec plus ou moins d'intérêt, comme chaque matin. elle trouva une place assise, à côté d'une fille blonde qu'elle ne regarda même pas, trop occupée à analyser chacun des gestes du garçon qui était monté après elle et s'était assis à 3 mètres environ de la place qu'elle occupait. la voix de Nikola Sirkis résonnait dans ses oreilles. le bruit sourd du bus qui redémarrait était inaudible pour naomi, qui ne pouvait détacher son regard de lui.

les yeux rieurs, il lui arrivait de relever la tête, et ses yeux croisaient ceux de naomi, avant de s'en détacher. durant tout le trajet, ils échangèrent des oeillades imperceptibles, sans qu'aucune autre pensée que 'il est beau' ne traverse son esprit. elle souriait dans le vide ; il souriait par moments. et peut importe ce qu'il se disait en la regardant : elle aurait voulu que ce trajet ne s'arrête jamais.