L'homme du bus

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N'est-ce pas de la folie que de l'avoir regardé ? Si complètement parce que maintenant je veux lever la tête et recommencer encore. Il est d'une beauté surhumaine ! Un regard bleu azur, des sourcils épais, un nez assez imposant et une bouche charnue à mourir d'envie de le regarder encore et encore.. Nous sommes déjà vendredi et il doit porter l'un de ses innombrables costumes de couleurs beiges mais je n'ose pas le regarder. Il est debout non loin de moi pour une fois mais je me contente seulement d'observer ses mocassins comme si je voyais la beauté de mon pays d'origine à travers ses chaussures simplement parce qu'un détail m'interpelle particulièrement. Une petite étiquette avec l'écusson portugais, mon écusson portugais ! J'ai envie de l'interroger mais qui suis-je pour prendre la parole pour une paire de chaussures ? Cela me ferait passer pour une idiote. Et si tu arrêtais tes idioties, Ana ? Pour une fois je me mets à tes ordres madame la conscience ! Étant donné que j'ai raté mon arrêt habituel car j'ai dû travailler plus tard, j'ai aussi du courir jusqu'à l'arrêt après le mien et Dieu merci j'y étais à temps. Mais que fait-il debout au juste alors que beaucoup de places sont libres ? Je secoue la tête pour arrêter les flux de questions qui viennent frapper mon cerveau et le calme s'installe enfin quand je decide de lever les yeux vers cet homme. Cela fait deux mois qu'il me regarde mais pourtant il ne fait rien de plus. J'aperçois une montre de grande valeur à son poignet et j'essaie désespérément de ne pas laisser ma bouche tomber de mécontentement. J'aimerai avoir tout cet argent mais je ne m'en servirai nullement pareil. J'aiderai les personnes pauvres et les retraités, puis j'essayerai de trouver une solution pour que nos conditions de vie s'améliorent. Non pas seulement par rapport au climat mais par rapport à la pollution, au grappillage alimentaire, etc.. Mais je n'ai pas cet argent et si aujourd'hui je travaille en tant que réceptionniste dans un hôtel de luxe c'est seulement grâce à Dieu. Je n'ai pas de diplômes parce que j'ai joué avec ma scolarité, j'ai pas d'argent de côté parce que je croyais que l'argent tombe du ciel. Je suis pauvre, je l'ai toujours été et c'est quand je descends du bus tous les jours que je me rends compte que ma famille n'est pas la seule dans cette misère.