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Cela faisait deux semaines que je ne me rendais plus au travail mais ma maman a raison, il faut que je garde ce travail pour notre survie ! C'est pourquoi je me trouve assise dans le bus pour rentrer de ma journée de travail avec Calema dans les oreilles. Nous n'avons pas d'aide financière, étant donné que nous sommes considérées comme étrangères malgré que mon père était français je me dois de rapporter un salaire. Toutes façons que voulez-vous faire dans un pays qui vous rejette ? La réponse est évidente, nous ne pouvons rien faire à part garder ces post-it sur nos fronts. J'aurai aimé que la population française me considère autrement, qu'elle arrête de penser que je suis là pour piquer leur argent et leur travail parce que je n'ai pas leur argent. Je travaille pour avoir un salaire même si ce n'est pas de la meilleure des façons, je mérite cet argent et même plus parce que c'est en quelque sorte un travail illicite. Je sais que je peux me retrouver en prison mais ce n'est pas comme si je ne cherche pas mieux à côté.
Je chantonne l'une de ses musiques que je préfère et que je connais évidemment par coeur quand on m'enlève un écouteur. Je lève la tête et aperçois mon observateur préféré. Ou plutôt l'unique homme qui s'intéresse en quelque sorte à moi. Parce que j'ai beau écouter les musiques de Calema je n'ai jamais ressenti ce sentiment qu'il décrit si bien, l'amour.

« Aucune forme de racisme n'est envisageable quand on partage quasiment la même langue »

Ah bon ? Croyez-vous vraiment me convaincre avec ces quelques mots ? Lui demandais je en portugais de façon mi ironique mi amusée de son assurance.

Il prend quelques secondes à me dévisager dans les yeux puis me quitte du regard pour gribouiller autre chose sur l'une des feuilles de son petit carnet.

« Quand une personne vous rappelle votre pays il ne faut jamais la fuir, vous avez réveillé en moi mon amour pour ma patrie et la vôtre. Avec seulement un seul regard »

Cela est-il suffisant pour tout abandonner ? L'interrogeais je toujours dans notre langue en baissant la tête, déjà entièrement convaincue par ses propos.

« Tout abandonner ou tout retrouver ? Je n'ai rien qui me retienne ici et vous non plus du peu que je sache. Ne restez pas sur ce sol pour un défunt nous savons tous les deux que cela conduit à la perte »

Excusez-moi, lui dis je précipitamment pour tenter de m'échapper encore une fois.

Il enroule délicatement son poignet autour du mien tandis que je relève le visage vers lui. Ses yeux azurs m'observent et pour seule salutation je lui offre un vague mouvement de tête avant de sortir à mon arrêt intermédiaire.

L'homme du bus Où les histoires vivent. Découvrez maintenant