8. Apoplexie

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Drago

Ça a été facile. Presque trop facile. Refaire un pas vers lui. Lui demander de tirer un trait ce qui s'est passé. Sur ce que j'ai fait. Tabula rasa. Je ne pensais pas que ça serait si facile de lui demander une seconde chance. D'accepter même de le faire. Et pourtant si. Pas d'obscure remise en question de ma personne, ni de mon moi, ni de mon ça. Juste une foutue pulsion, une envie, un besoin.

Ce foutu sentiment que mon temps est compté. Tic tac. Chaque seconde qui s'égrène me rapproche de la fin. Tic tac. Et je n'ai plus l'envie de passer ce temps seul. Pourquoi s'interdire de céder à cette envie ? Dévorante et brûlante. Je ne distingue plus l'envie du besoin. Sa présence me manque et j'ai besoin de le sentir près de moi. Qu'il me soutienne, qu'il soit juste là. Mais j'ai aussi envie qu'il soit là. Près de moi. De glisser mes doigts dans sa tignasse et de frissonner devant l'interdit. De sentir un feu s'embraser dans mon ventre quand il plante ses yeux décidément trop verts au fond des miens. J'ai envie d'enfreindre les règles. J'ai envie de suivre ce tracé incertain qu'il m'offre. Envie de m'abandonner à lui et de voir où ça mènera.

Son traumatisme crânien dû à l'entraînement a été, il me semble, le déclic. Pourtant vite soignée par Pomfresh, cette blessure m'a fait réaliser que je pouvais le perdre du jour au lendemain. Alors que j'avais en réalité bien plus besoin de lui que je ne voulais me l'avouer. Je pouvais le perdre sans qu'il sache jamais qui j'étais et ce que je ressentais vraiment. Cette idée de me retrouver seul face à moi-même me terrifiait bien plus que celle de lui demander une seconde chance.

M'avait-il pardonné d'avoir été aussi lâche, de l'avoir autant fait souffrir ? Ses gestes étaient mesurés et retenus sur son lit d'infirmerie mais pouvais-je vraiment lui en vouloir ? Je comprenais qu'il me déteste et qu'il veuille me frapper, pour tout le mal que je lui avais fait. J'espérais juste que ce n'était pas trop tard. Que je n'avais pas brisé cet hypothétique nous, que je n'avais pas effacé ce chemin incertain qu'il m'avait offert.

Seul son regard fiévreux me laissait penser qu'il n'arrivait pas à me détester, à me haïr autant qu'il aurait voulu. Ses yeux me dévoraient et son désir, si palpable, me donna un frisson qui me parcourut l'échine du dos.

Je ne l'avais pas perdu.

.oOoOo.

Elle est étrange cette trêve non dite entre nous. Le secret qui l'entoure distille en moi une certaine excitation. Je l'observe du coup de l'œil en cours d'Histoire de la Magie. Je l'entends parler à ses amis, rire de leurs plaisanteries, remettre en place ses lunettes d'un geste maladroit, croiser mon regard et rougir. En cours de Métamorphoses, je sens son regard sur ma nuque. J'ose un coup d'œil, sa tête est posée sur sa main et il m'observe en mâchouillant sa plume. Mon ventre se tord sous son regard indécent. La peur de me retrouver seul avec lui et l'envie de cette même chose se disputent dans mes entrailles.

- Monsieur Potter ? s'exclame McGonagall, vous pouvez répéter ce que je viens de dire ?

Il sursaute.

- Non, Professeur. Désolé.

Et j'aurais bien été incapable d'y répondre moi non plus.

Quelques serpentards ricanent. Goyle me donne un coup de coude en gloussant. Je reste indifférent. Je ne le regarde pas mais les choses ont changé. Un cap a été franchi. Je n'irai pas jusqu'à le défendre devant les élèves de ma maison, mais les moqueries envers lui me touchent à présent directement. Foutez lui la paix, j'ai envie de dire.

Les rires semblent glisser sur lui comme de l'eau. Il s'en fiche. Et il continue de me fixer avec un air rêveur qui me ferait presque rougir.

Je griffonne un Arrête de me fixer comme ça ! sur un bout de parchemin et lui envoie discrètement la boulette de papier.

Rien qu'un point sur une carte ?Où les histoires vivent. Découvrez maintenant