Cette histoire est dédiée à Chocolate25212, qui en a eu la merveilleuse idée !
La première fois que cela se produit, Albus est en train de corriger des copies.
Enfin, il essaie. Parce qu'en fait, il lorgne le pendentif que le Niffleur de Norbert lui a ramené. Il aurait préféré que Gellert soit un peu plus attentif, parce que maintenant qu'il l'a, il n'a plus d'excuse pour repousser l'affrontement. A moins que le mage noir ne se le soit laissé volé exprès, pour lui faire comprendre que c'était fini entre eux ?
Dans un soupir, le professeur repousse sa chaise du bureau. Les pieds raclent sur le sol dans un crissement d'écureuil écrasé, mais il n'en n'a cure. Il prend le pendentif, le fait tourner entre ses doigts.
C'est un objet magnifique, une splendeur de délicatesse. Albus pourrait passer des heures à le contempler.
A se souvenir.
Il a dû s'endormir, parce qu'il se retrouve soudain sur un sentier. Pas n'importe lequel : celui qui mène au lac de Godric's Hollow.
Il l'avait montré une fois à Gellert, lorsque ce dernier s'était plaint des tendances intrusives de sa tante. Depuis, chaque fois que le jeune anglais passait chez Bathilda et que cette dernière lui disait d'un ton désolé qu'elle ignorait où était son neveu, Albus savait où chercher.
Il prend un instant pour admirer le paysage. Combien d'heures passées ici pour échapper à l'atmosphère étouffante de la maison familiale ? Combien d'esquisses au fusain des saules, puis du visage d'un certain Autrichien ? Combien de rêves ébauchés, combien de caresses échangées et de promesses murmurées ?
Combien de fois il avait parcouru le chemin, le cœur palpitant d'anticipation à l'idée de ce qu'il trouverait sur les rives de ce lac ?
Il est heureux de constater que revoir le décor familier ne lui procure aucune souffrance. En fait, cela l'apaise. Il ne regrette rien de ce qui s'est passé là. Les plus beaux moments de sa vie, volés à la réalité sur l'ourlet délicat des lèvres du blond.
Albus avance vers le lac, décidant qu'il a été assez nostalgique comme ça.
Il parcoure le même chemin qu'autrefois, s'étonnant de voir à quel point son cerveau a enregistré les détails du chemin : cette pierre, cette touffe de menthe sauvage... Il se rappelle de tout. Sa main se pose sur les mêmes troncs quand il doit enjamber une souche, et il constate que sa peau semble plus jeune. Pour vérifier, il porte une main à son visage : pas de barbe.
Enfin, il arrive à destination. C'est idiot, mais il ne peut s'empêcher d'accélérer, comme il le faisait autrefois. Ses yeux se posent machinalement sur une large pierre plate qui fend l'eau calme. Il trouvait toujours Gellert ici ; le jeune Autrichien aimait se dorer au soleil comme un lézard. De plus, le roc pouvait faire office de plongeoir, et aucun des deux garçons ne s'en privait. Albus était toujours sûr de trouver son compagnon à cet endroit précis. Pourtant, à chaque fois, son cœur s'arrêtait à la vue de la silhouette qui lui tournait le dos.
Cette fois-là ne fait pas exception. En fait, Albus se fige un instant, comme si son corps se grippait, avant de continuer sa route.
Parce que sur la pierre est assise une silhouette maigre couronnée de blond, qui contemple le lac.
Albus sait qu'il est dans un rêve. Un souvenir, plutôt. Pourtant, il a l'impression de flotter. Un sentiment d'irréalité dans un monde irréel.
Il arrive enfin aux côtés de Gellert. Son cœur se serre d'une façon presque douloureuse. L'autre lui manque. Constamment. Albus s'est habitué à vivre avec ce trou béant à la place du cœur, mais voir, voir comme si c'était réel, l'objet de ses désirs... Il en a envie de pleurer.
VOUS LISEZ
Rêves
Fanfiction«Pourquoi n'accorderais-je pas au rêve ce que je refuse parfois à la réalité, soit cette valeur de certitude en elle-même, qui, dans son temps, n'est point exposée à mon désaveu?» André Breton