Troisième songe

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Albus a toujours associé la musique au bonheur. 

Quand il était petit, sa mère avait persuadé son père d'acheter un gramophone. Un des rares appareils moldus de leur maison. Albus avait passé de nombreuses heures à contempler l'engin, fasciné. Comment quelque chose pouvait produire de la musique, sans instrument? Cela le dépassait. 

Parfois, les soirs d'hiver, on poussait les fauteuils, on mettait un disque, son plus beau sourire, et on dansait des heures durant, jusqu'à n'en plus pouvoir. Ariana riait aux éclats lorsque son père la prenait pour la faire tournoyer, et Albus riait de la voir rire. Plus tard dans la soirée, alors que les enfants étaient couchés, Perceval entraînait sa femme dans un slow. Albus les regardait, caché dans les escaliers, en rêvant de trouver un jour un partenaire avec qui danser comme ça.

Son esprit a remodelé sa maison. Certaines choses n'y sont pas, comme la chambre de son frère. Mais d'autres détails, comme le gramophone, trônent fièrement à leur place. 

Les doigts d'Albus caressent le métal cuivré avec respect. Tous ces souvenirs heureux, qu'il pensait avoir oublié...

― Vous avez ça chez vous?

Il sourit et se retourne. Gellert est là, contre la rambarde de l'escalier, les bras croisés et un sourire taquin sur le visage. 

― Salut, chuchote Albus.

Le sourire du blond s'agrandit, et il décroise les bras en s'avançant. Il s'arrête à quelques centimètres du corps de l'anglais.

― Salut.

Un court baiser, chaste, qui veut simplement dire bonjour. Albus se recule en souriant de plus belle. Il adore ses petits rien partagés avec le blond. 

― Tu ne m'as pas répondu, déclare ce dernier avec un signe de tête en direction du gramophone. 

L'anglais, prit d'une idée subite, va dans la bibliothèque et cherche du regard une boîte. 

― Ma mère est d'origine moldue. Quand cet appareil est sorti, elle a supplié mon père pendant des mois afin d'en acheter un.

Gellert s'affale dans un fauteuil, une moue peu convaincue sur le visage. 

― Et ça fait quoi? De la musique, c'est ça?

Albus acquiesce. Merlin, où est donc... Ah! Il l'a trouvé. 

Il se hausse sur la pointe des orteils pour attraper une boîte de métal dont il ouvre le couvercle comme on ouvrirait un cadeau. 

― Ils sont là, murmure-t-il.

Gellert fait un bruit vaguement intéressé, et Albus poursuit:

― Je sais ton opinion sur la technologie moldue, mais c'est vraiment merveilleux. Tu mets un disque, tu vois, comme ça (il joint le geste à la parole), et tu applique la pointe... Et après...

Il répète les mêmes gestes que sa mère, et des notes  au son... Vieux s'élèvent dans le salon. Les sourcils de l'autrichien se haussent.

― Was ist das?

― Tu connais la danse Charleston? 

Un grand sourire sur le visage, Albus commence à bouger en rythme. Gellert se mord la lèvre, l'air affligé.

― Tu te ridiculises.

― Mais non, rétorque Albus.

Il se prend au jeu et danse. Il aime beaucoup cette danse. Peut-être à cause de l'énergie qu'elle dégage, ou de la facilité à la danser. C'est un lâcher-prise: il ne bouge avec les notes, elles le traversent et modulent ses mouvements. 

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