Jour 69

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Après les cours et un tour au café entre potes, je me rends à la salle de sport. Presque tous les soirs j'y rejoins Olivier et Franck pour un entraînement d'une heure. Avec mes deux coaches c'est toujours intense. Pour nous récompenser de nos efforts, nous passons un moment au sauna. Il arrive souvent que nous soyons seuls tous les trois. Franck n'arrête pas de faire des va-et-vient entre le sauna et les douches. Il aime bien ça : balancer de l'eau sur les pierres chaudes pour faire augmenter la température et ensuite se rafraîchir subitement sous la douche. Il n'a pas compris l'intérêt du sauna : se détendre !


Olivier profite que son petit copain disparaisse pour... poser sa main sur ma cuisse. Il commence à me caresser. Impossible de mal interpréter ce geste. Nous avons juste une serviette autour de la taille et sa main remonte dangereusement. Je ne sais pas pourquoi il me faut un temps infini pour le repousser.

— Désolé.

Franck revient. Il n'a rien vu et nous faisons comme si de rien n'était. Évidemment, nous n'aurons plus un moment seul, je ne peux donc pas en discuter directement avec Olivier.


Cet instant me perturbe beaucoup. Je n'arrête pas d'y penser. Je m'en veux. Oui, je m'en veux parce que l'espace de quelques secondes, ça m'a plu, j'ai été excité, je voulais qu'il continue. J'ai conscience que c'est mal et je me dégoûte moi-même. Une réaction normale aurait été de le repousser immédiatement. Je ne sais pas ce qui se serait passé si Franck n'avait pas été là, si nous n'avions été que deux. Aurais-je été capable de le laisser faire ? Est-ce que j'aurais pu prendre du plaisir ? Il faut vite que je m'ôte ces images de la tête. Je suis bien content de l'avoir repoussé, qu'il ne se soit rien passé.


Je ne peux pas non plus en discuter avec Irénée. D'abord, parce que j'hésite. Je ne sais pas comment il va le prendre. Chacun réagit différemment, mais évidemment j'essaie d'imaginer de quelle manière moi je pourrais réagir s'il m'annonçait qu'un autre a essayé d'atteindre son sexe et qu'il a mis un temps infini à le repousser ! Peut-être que je devrais déformer la réalité et lui expliquer que j'ai recadré Olivier tout de suite... Mentir dans un couple ne sert pas à grand-chose et puis il ne vaut mieux pas commencer, il ne faudrait pas que ça devienne une habitude !


Heureusement, en quelque sorte, nous avons du mal à nous isoler lorsque nous sommes réunis avec Céline, Sébastien, Fabien et Cyril pour faire nos devoirs. Nous sommes assez complémentaires. Chacun est fort dans une discipline en particulier et je dois dire que ça m'aide de me faire expliquer les cours de chimie ou de biologie par mes potes. C'est toujours plus clair que ce que les profs racontent...

— Ta mère fait une drôle de tête.

— J'ai ramené une mauvaise note.

— Quoi ? Mathieu, le premier de la classe, l'élève studieux, a eu une mauvaise note ? Dans ton langage ça doit être un quatorze sur vingt !

— Non, j'ai eu neuf. En arts plastiques.

— Qu'est-ce que tu as trafiqué ?

Pour le contrôle du jour, nous avions une heure pour créer une « œuvre d'art » à partir d'un morceau d'argile. C'est sans doute la seule discipline dans laquelle je suis totalement nul. Pour prouver ce que j'affirme, je sors mon chef-d'œuvre de mon sac. Au moment où je le pose sur la table, mes potes sont pris, simultanément, d'un fou rire.

— Ça ne ressemble à rien !

— Tu voulais faire quoi ?

— Je m'étais lancé dans la fabrication d'un canard.

Le journal de Mathieu (8)Where stories live. Discover now