Ce samedi, avec Sébastien, malgré le froid, nous ne dérogeons pas à notre séance de course. Pendant la phase d'échauffement, encore loin d'être épuisés, nous avons tout le loisir de discuter. Je ne sais pas réellement ce qu'il trafique. Tout d'un coup, il tombe, là, sur la piste. Ma première réaction est de vouloir l'aider à se relever, je ne prends pas tout de suite conscience de la gravité de la situation. Il se tient le bras droit et se met à hurler. J'appelle les responsables du stade.
Une demi-heure après, une ambulance arrive. Je ramasse nos affaires et je l'accompagne aux urgences. Un endroit où il vaut mieux ne pas être en trop mauvais état, parce qu'on y a largement le temps de se vider de son sang ! Sans doute que l'état de Sébastien n'a pas été jugé trop sérieux puisqu'il a fallu attendre trois heures avant de voir un médecin. Le temps pour nos amis de venir. J'ai prévenu tout le monde par SMS. Le verdict est sans appel : le bras et la cheville cassés ! C'est avec Sébastien assis sur un fauteuil roulant que nous sortons de l'hôpital.
Nous passons évidemment le reste de la journée auprès du blessé. Il aura du mal à être seul pour se reposer. L'appartement de ses parents est devenu le repère des potes du lycée et des mecs du club de natation. Je sais ce que ça fait d'être mal et de ne pas pouvoir être tranquille. C'est sympa que tout le monde vienne à son chevet pour le supporter, pour le distraire. Sauf que lorsqu'on est malade ou qu'on souffre, on veut aussi pouvoir rester seul et simplement se reposer !
Lundi soir, je rejoins l'équipe à la piscine. L'entraînement n'a pas été annulé, même si le capitaine est absent. Pendant que nous nous changeons, Fabien se plante au milieu du vestiaire.
— Bon, les mecs, Sébastien ne reviendra pas pendant un moment. On va continuer à s'entraîner pour qu'il soit fier de nous.
— Parce que c'est toi qui vas prendre les choses en main ?
— Je, enfin...
Sébastien a un charisme tel que malgré son jeune âge il est devenu presque naturellement le capitaine. Comme il aime bien tout diriger, il n'a pas vraiment de second. Il n'a jamais été malade auparavant, il est l'un des rares à ne pas avoir manqué un seul entraînement. Donc, c'est la première fois que le groupe se retrouve sans chef.
Au lieu de l'entraînement, c'est une grosse dispute qui éclate. Une équipe a besoin d'un chef. Et chacun des mâles présents estime pouvoir prendre la tête du groupe. Jusque-là, je ne les ai connus que comme une équipe soudée, avec l'entraide comme mot d'ordre. Soudain, c'est chacun pour soi. Moi je ne veux rien avoir à faire avec cette histoire. J'essaie de rester dans mon coin mais Fabien me prend à partie.
— Tu ne dis rien ? Tu n'es pas de mon côté ?
— Moi je voudrais juste qu'on s'entraîne !
Les autres me fusillent du regard.
— Tu te crois malin ? T'es le petit dernier, tu n'as rien à dire de toute façon.
Je me lève et je fais face à celui qui ose me défier. Ce mec a deux têtes de plus que moi et du point de vue de la musculature, je ne peux pas rivaliser. Je ne peux donc pas m'imposer par la force.
— Qu'est-ce que tu vas faire, m'en coller une ?
Les autres rigolent. Ils pensent que je n'en serais pas capable. Peut-être... Pour l'instant, j'aimerais bien que mes jambes cessent de trembler.
— Tu prends tes affaires et tu vas dans le bassin !
— Je n'ai pas d'ordre à recevoir de toi.
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Le journal de Mathieu (8)
General FictionMathieu pourrait avoir une petite vie tranquille, s'il n'y avait pas les autres... Parce qu'il y a toujours quelqu'un pour nous mettre des bâtons dans les roues, il y a toujours des événements auxquels on ne s'attend pas !