Chapitre 3 - Sorties nocturnes

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Le portable du détective Reed venait de sonner, émettant un son cristallin et éphémère. Ce n'était toutefois pas la raison du réveil de Conrad.

Il était plus de deux heures du matin et l'androïde entrait parfois dans un mode de veille, ou alors il passait la nuit à lire des articles en rapport avec les faits divers ou des études scientifiques. Les humains étaient si prolifiques que des centaines de données étaient entrées à chaque seconde à travers le monde. Capable de comprendre et de parler plus de trois cents langues, le RK900 les parcourait sans difficulté, observant les opinions de chacun selon les cultures, le sexe, l'éducation... La variété aurait été impressionnante pour un être humain, mais pour la machine, c'était juste une série de connaissances plus longue à traiter, tout simplement.

Cette nuit, les programmes avaient tourné à un rythme plus paisible, échafaudant des plans et calculant les probabilités de rentrer à la tour CyberLife, prenant le temps de visualiser les situations. En revanche, les tâches associées à Gavin étaient plus instables : comme une pensée qui obsède, Conrad était incapable de fermer ces programmes bruyants pour se concentrer uniquement sur un objectif. Quelque part, ses codes parlaient toujours de Gavin, imitant des sentiments qui se font lancinants.

L'androïde avait gardé son générateur de compliments mais avait jugé bon d'opter pour des périodes aléatoires. Et il venait de s'activer.

Gavin lui tournait le dos, profondément endormi, alors Conrad vint se glisser contre lui, secouant légèrement son épaule :

« Gavin. »

L'homme dormait toujours, le ronflement à peine perturbé. Le robot le secoua plus fermement.

« Gavin. »

L'homme émergea enfin, maugréant.

« Gavin. Je tiens beaucoup à vous.

— Hein ? »

Quelle heure était-il ? Gavin se souvenait qu'ils s'étaient couchés dans un silence total. Pour défier Conrad, il s'était tourné sur le côté en espérant que l'androïde passe ses bras autour de lui pour se réconcilier, tenté aussi par le désir de le repousser par vengeance. Il n'avait pas réussi à décider, mais en fin de compte, Conrad n'avait pas bougé, le privant du plaisir de le provoquer, du plaisir de se réconcilier. Au fond, c'était ce qu'il avait souhaité le plus.

L'écran de téléphone lui indiqua l'heure et Gavin jura.

« Putain... T'avais besoin de me sortir ça maintenant ? »

Conrad passa sa main dans ses cheveux, caressant les mèches sombres.

« Je vous laisse vous rendormir.

— Ton putain de générateur, je vais finir par te le foutre dans le cul... »

Il aurait pu laisser la colère exploser, mais Conrad était collé contre son dos, un bras sur sa taille. Après tout, c'était une façon de se réconcilier.


Le premier message reçu à deux heures mentionnait cinq victimes poignardées de nulle part. Le second message, à huit heures, venait du docteur Landru et précisait cinq morts cette fois. Gavin passa une main sur son visage en râlant : Conrad avait perturbé son sommeil et maintenant ça, un réveil qui promettait un bordel sans nom. Il tendit son portable à l'androïde pour qu'il puisse lire le message.

Moira avait accueilli les corps très tôt dans la matinée, bien avant l'arrivée du médecin légiste. Elle avait donc préparé le dossier, se contentant dans un premier temps d'identifier les victimes et de les nettoyer. Le détective et le RK900 iraient d'abord au commissariat, consultant le rapport des PC200 qui étaient sur place les premiers avec deux policiers humains, servant d'appareil photo et capables d'enregistrer la scène de crime en un panorama de 360 degrés. Les progrès de la technologie qui faisaient le succès de CyberLife.

Visage Familier II - TerminusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant