Il était debout, à fixer ses pieds dun regard vide. Les passants semblaient dessiner un périmètre pour léviter dans leur marche. Pas une seule personne ne leffleurait. Je me trouvais face à lui, les yeux illuminés de joie à lidée denfin le retrouver. Mais celle-ci séteignit à linstant où son visage se releva.
Ses yeux étaient vides. Son teint pâle. Ses lèvres gercées. Ses joues creusées. Les cernes violacées. Ses clavicules apparentes. Ce nétait plus celui de mes souvenirs. Mon regard ne pouvait plus se détacher de cet homme sous mes yeux. Cet homme qui semblait me fixer. Son regard semble sancrer dans mon âme. Comme si jexistais, comme si je faisais partie de ce monde. Un rire nerveux parcourt lintérieur de mon corps. Me voir ? La blague. Personne ne me connait. Personne ne me voit. Personne ne mentend. Personne ne me sent. Je nexiste pas. Alors pourquoi me verrait-il ?
Pourtant je ne peux détacher mon regard de ses pupilles noires qui me noient dans lobscurité. Une sensation dune froideur extrême sengouffre en moi. Je ne peux lire en lui, mais je ressens toute sa souffrance. Je souffre autant quil souffre en lespace dun regard. Jen perds mon souffle, jen perds le peu dénergie que je possède. Tout ça, en continuant de me noyer dans cet océan infini de noirceur.
« Pourquoi ? »
Mon regard sagrandit. Cest lui qui vient de parler ? Est-ce à moi quil sadressait ?
« Pourquoi tu mas abandonné, Haneul ? »
« Haneul ? »
« Tu en as même oublié ta propre existence Tu mas oublié. »
« Chulhei »
« Qui suis-je ? »
Je ne peux répondre à sa question. Les mots me manquent. Les émotions me submergent. Elles viennent se loger dans ma gorge, mempêchant de respirer et déglutir correctement. Mon cur se resserre, mes membres me font terriblement mal. Comme si je ressentais une douleur passée.
« Je préfère mourir plutôt que de vivre avec ton silence. »
Je mapprêtais à courir dans sa direction. Mais une nouvelle fois, mes jambes ne me répondent plus. Je tavais dit que jallais jouer ~ Rien ne me tient, rien nest là pour me retenir. Mais impossible de bouger le moindre de mes membres, toujours tiraillés par cette douleur nostalgique. Cette fraction de seconde suffit pour que son dos trône face à moi. Je le vois séloigner peu à peu tandis que je cherche plus que tout à le rattraper. Je veux y arriver, je veux le retenir, je veux lui parler. Mais la seule chose que je parviens à faire, pleurer. Je pleure toutes les larmes de mon corps, cherchant sans relâche à bouger. Je pleure de fatigue, je pleure de faiblesse, je pleure dimpuissance. Je suis désolée. Tellement désolée. Je veux que tu le saches.
« Pardonne-moi, Chulhei ! »
Ma voix éclate en sanglots alors que je le vois disparaitre au loin. Je lai perdu. Mon seul espoir. Celui qui me permettait de tenir dans cet atroce monde de solitude. Je lai perdu. Par ma faute.
« Jespère que tu comprendras maintenant. »
Comprendre quoi putain
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Les Wagons Perdus
FantasyUn esprit, un ange gardien ? un rôdeur ? Dans ce quotidien dicté par la lassitude, elle lutte pour retrouver sa mémoire. Elle ne peut prendre conscience de son existence et pourtant sa quête de réponse la mène jusqu'à lui. Jusqu'à sa mémoire. Jusqu...