Le Poids du Doute

I

La sonnerie de mon réveil m'arrache à mes rêves agités et c'est avec soulagement que je quitte mon lit où ma nuit a été particulièrement agitée.

L'écran noir indique six heures trente. Si mon métier de YouTubeuse peut me permettre des horaires plus tranquilles que d'autres - notamment ceux auxquels je me prédestinais -, je n'ai jamais voulu adopter une routine de relâche complète et rester en pyjama toute la journée. Non, je suis - et j'ai toujours été - une personne organisée, particulièrement lève-tôt.

Je tire mes couvertures et lisse mon oreiller, puis me dirige vers ma cuisine où je glisse une capsule dans ma cafetière. Le doux vrombissement de la machine se fait entendre alors qu'un arôme fort, amer se répand dans ma cuisine.

Mon téléphone vibre : c'est Eve.

« Toujours partante pour ce midi ? »

Je fronce les sourcils, puis me rappelle. Bien sûr. Notre déjeuner dans le nouveau café qui a ouvert récemment et dont elle me parle depuis une semaine.

« Bien sûr ! » je réponds.

« À tout à l'heure, alors 😊 »

Je ferme mon portable et termine ma tasse rapidement. J'essaye d'ignorer mon ordinateur où le hater est toujours affiché et passe dans ma salle de bains. Je grimace devant ma tête endormie et mes cernes violets ; j'ai vraiment mal dormi, cette nuit. Je prends ma douche en grimaçant : il faut dire que l'eau est froide dans tout l'appartement depuis une semaine. Au moins, ça aura le mérite de me réveiller complètement... Je brosse mes dents avec soin et attrape mon anticerne, que j'étale avec parcimonie sous mes yeux. Un simple trait d'eye-liner noir vient achever ma routine : je n'aime pas énormément le maquillage. Au plus simple c'est, au mieux je me préfère.

J'enfile rapidement un chemisier blanc, un jean et mes baskets de ville. Le printemps est là, en ce mois d'Avril, et il fait très doux.

Je passe un coup de peigne dans ma tignasse châtain, attache ma montre autour de mon poignet et je suis prête.

J'attrape mon sac à main dans lequel je glisse mon portefeuille, mes lunettes de repos, mes clés, mon téléphone et mon agenda et quitte mon appartement, direction le bus - à vingt-cinq ans, je n'ai toujours pas mon permis de conduire... Détail assez embêtant, quand on pense que j'habite à Paris.

Dans l'appartement désert, fermé à clé, l'écran de l'ordinateur est toujours allumé sur la même conversation, dans la zone de commentaires :

De @-timeo93, hier, à 22h30

Arrêtez tous, avec vos compliments, c'est loin d'être une sainte, cette fille. Elle ne montre que ce qu'elle ne veut bien vous montrer. L'histoire de la mort de sa mère, là, c'est que des salades. La vérité est beaucoup moins jolie que son mensonge destiné à attendrir ses spectateurs. Elle dit être la seule témoin de sa noyade et ne se souvenir de rien à cause de son traumatisme, mais ça, c'est juste un beau tissu de mensonges.

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De @lolipop, à 23h42

Mais t'es qui, toi ? D'où tu parles de la mort de sa mère comme ça ? Le respect, ça existe, tu sais. Évidemment qu'elle ne montre que ce qu'elle veut bien nous montrer : c'est pareil pour tous les autres YouTubeurs ! Mais t'as pas le droit de dire des trucs pareils alors que tu ne connais rien d'elle, c'est dégueulasse ! Et puis comment tu peux dire qu'elle est morte noyée, elle l'a jamais dit dans ses vidéos ! #LizLaBest #AbonnéeDeLuxe

De @-timeo93, à 23h45

Ah ouais ? Mais qu'est-ce que t'en sais, que je ne connais rien d'elle ? Au contraire, moi j'ai pas mal de choses plutôt intéressantes à son sujet qui te feraient changer d'avis. Tout le monde la prend pour une jeune adulte exemplaire, un modèle dans la société, une sainte aux grands principes, mais la vérité, c'est qu'elle a du sang sur les mains.

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