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Elle lâcha le livre, qui tomba dans un bruit sourd. Ses larmes qui dévalaient ses joues pour finir tremper son pull mauve, étaient le seul flot qui ne c'était pas interrompu. Elle prit une grande inspiration qui fut rompue par un de ses sanglots. Quand elle expira l'air qu'elle avait inspiré avec difficulté, elle cria de toutes ses forces. Mais l'écho de son cri la fit paniquer. Elle descendit au rez de chaussée à la hâte en passant devant tous les étudiants à l'arrêt. Cette fois, elle savait qu'elle ne rêvait pas. Brusquement, cette vérité qui venait se confirmer d'une façon si abrupte jetait Loïe du haut de la falaise où elle était restée en piteux équilibre. Son affolement se confrontait à l'évidence qui s'imposait à elle encore plus soudainement que la première fois.

Épouvantée, elle chercha un objet capable d'indiquer son temps à elle. Sur la table de sa voisine trônait un chronomètre bleu qui était aussi à l'arrêt. Elle le saisit avec un regard sur sa voisine penchée sur son livre. Elle le remit à 00:00 puis appuya sur ON. Elle pria pour que ça marche. Le chronomètre démarra et Loïe lâcha un soupir de soulagement. Elle n'expliquait pas comment cela était possible, elle n'arrivait pas à savoir pourquoi le chronomètre marchait mais elle en était vraiment apaisée.

Elle s'assit à la table ou ses cours étaient en vrac, puis fit le point sur sa situation. Cette fois-ci, ce phénomène perturbant lui était arrivé en plein jour. Le fait de s'en rendre compte la choqua encore plus. De nombreuses interrogations pénétrèrent son esprit peu à peu : Ces phénomènes allaient ils surgir en plein milieu de sa vie à n'importe quel moment? Ne pouvait elle pas les maitriser? Quand allait prendre fin cette brèche temporelle? Était-ce le choc provoqué à la lecture du nom de sa soeur qui avait stoppé le temps? Oui, ça elle en était certaine.

Elle décida d'aller retrouver le livre, et l'endroit où elle était au cas où, le temps reprendrait son cours. Elle posa à terre le chronomètre et se laissa glisser au sol contre l'étagère. Elle saisit le livre en tremblant des mains et se mit à le lire sans regarder le prénom de sa soeur. De temps en temps, elle jetait un coup d'oeil aux alentours, mais tout restait immobile. L'ouvrage de Freud et son préface faisaient 118 pages. C'était un livre concis mais très complexe, garni d'affirmations encore à remettre en question. Un étudiant quelconque, dans une situation normale, aurait éprouvé une certaine fierté à finir le préface, une certaine difficulté à finir le livre en entier mais une énorme peine quand à le lire d'une traite en moins d'une heure. Mais Loïe, saccagée par les ravages que lui causaient les événements successifs de sa vie, et avec la volonté de ressentir à nouveau les secondes qui s'écoulaient, le lu d'un coup d'un seul. À la fin, elle releva la tête mais il y avait toujours ce profond silence qui remplissait l'espace d'une manière étouffante. Elle jeta un coup d'oeil au chronomètre qui indiquait qu'une heure et 15 minutes c'étaient écoulées. Elle reposa Freud sur l'étagère, puis traversa la bibliothèque. Elle rejoint ses affaires, et se remit à travailler. Si, un an plus tôt, on lui avait demander ce qu'elle ferait si elle pouvait arrêter le temps, elle n'aurait jamais répondu « travailler ses cours » ou « faire comme si tout était normal ». Mais en ce moment pour qu'elle puisse contrer cette situation totalement absurde elle devait y mettre un poil de réalité. Elle révisa tous ses cours de psychologie sociale. Son chronomètre affichait 4 heures . Ça faisait 4 heures que le temps s'était immobilisé. Elle se sentait incroyablement seule. Elle se décida à sortir de la BU et rejoignit la cafétéria du campus en face du bâtiment des sciences humaines et sociales.

La cafétéria si bruyante était étrangement calme. Elle passa derrière le comptoir pour se servir un donuts au chocolat et le mangea à côté d'un étudiant asiatique. Il portait des écouteurs et regardait une vidéo sur son téléphone. Elle se permit de fouiller dans son sac et découvrit qu'il s'appelait Kim Yu Jin. Loïe le trouva plutôt beau. Elle fit l'effort d'apprendre son prénom pour le donner à Alba car cette dernière était fan des garçons asiatiques et de toute la culture coréenne. Des dramas aux ramens en passant par les outils de l'industrie de la Kpop, elle s'était découverte une vraie passion pour la perfection que miroitait cette société aux travailleurs acharnés. Bien que Loïe lui répétait que, pour elle, l'image des idols était construite et superficielle ; à chaque fois, Alba ne pouvait s'empêcher de les chérir et de fantasmer sur leur nouvelle couleur de cheveux. Yu Jin, lui, avait d'ailleurs les cheveux bruns n'ayant subit aucune décoloration apparente. Loïe se demandait si il adhérait à tous les stigmates de la société à laquelle il appartenait.

Dans cette situation totalement incongrue, elle se laissa aller à des pensées plus normales qui sortaient moins de l'ordinaire. Se séparer du stress inquiétant de sa situation lui faisait du bien et la calma quelque peu.

Sans trop réfléchir et dans le but d'aider son amie, elle prit un bout de papier sur lequel elle nota le numéro d'Alba et le fourra dans le sac du jeune homme.

Elle se rendit compte que pour la première fois, de manière consciente, elle venait de tirer profit de cette situation où le temps s'arrêtait. De cette façon, elle se rendit également compte qu'elle pourrait tirer bien des avantages de cette condition et que celle ci lui offrait aussi des pouvoirs incroyables sur les autres.

Elle quitta la cafétéria et se mit à errer dans le campus comme un tigre dans sa cage. Si le tigre avait des barreaux à sa prison elle, s'était le temps qui l'emprisonnait.

Quand elle regarda à nouveau son chronomètre elle découvrit que ça faisait maintenant 6 heures que le temps c'était arrêté. Bien que toujours sidérée par sa situation elle commençait à être complètement crevée. Elle rejoignit une salle jointe à la cafétéria ou était entreposée des poufs et fauteuils multicolores. Elle y découvrit un garçon aux cheveux mi-longs immobile lui aussi, comme le reste du campus. Avec gène, mais succès elle réussit quand même à s'endormir sur un énorme fauteuil.

Lorsqu'elle émergea de son rêve , elle ne se souvenait pas que le temps s'était arrêté. C'est quand elle vit le garçon en face d'elle exactement dans la même position que tout lui revint en tête. 

Elle regarda son chronomètre qui indiquait maintenant 16 heures. Elle avait donc dormi 10 heures. Elle se prit la tête entre les mains, elle ne savait pas quoi faire. Elle n'arrivait pas à prévoir des actions futures vu qu'elle ne savait pas combien de temps la brèche temporelle allait durer. En plus, ce stress qui s'était installé la veille lui torturait toujours les entrailles.

Elle prit un petit déjeuner à la cafétéria puis recommença à errer dans les couloirs. Puis elle se mit à faire une liste de tâches qu'elle devait faire avant que le temps reprenne. En premier lieu sur sa « to do list » trônait le fait d'arranger deux personnes de sa classe qui crevaient d'amour l'une pour l'autre. Elle glissa dans leur sac le message qu'ils attendaient l'un de l'autre.

En deuxième lieu, elle mit du parfum à un garçon qui sentait la sueur.

En troisième lieu, et ce n'était pas des moindre, elle bu de l'alcool, qu'elle trouva dans une supérette à côté. Complètement soule elle se présenta dans le plus grand amphithéâtre du campus sous les regards invisibles des étudiants. Son monologue flou était construit avec ses grandes amies du moment qu'étaient les effluves de l'alcool.
« - Bonjour à tous! Je sais, vous allez me dire que c'est pas bien de se bourrer la gueule! Mais le jour de boire est arrivé!!! »
Loïe rigola bêtement en s'accrochant à ce qu'elle pouvait trouver sous la main pour ne pas tomber.
« - Eh toi ! » elle désigna qu'elle quelqu'un du premier rang. « Bouge pas! » Elle éclata de rire. Elle rajouta en agitant son doigt comme une baguette magique : « Toi, toi, toi et toi, vous seriez trop mauvais au 1,2,3 soleil... » à nouveau elle ria sans raison. « Vous comprendriez pas les règles...aha...faut bouger quand je suis retournée » « on va essayer » Elle se retourna au tableau complètement soule et dicta lentement ces paroles de jeu pour enfant. Quand elle se retourna elle ricana et cria dans l'amphithéâtre  « vous voyez!!!! Vous êtes tous des gros nuls!! »

Elle ne remarqua pas qu'une des personnes s'était avancée... Cette personne était toujours ce même homme blond et elle ne l'avait pas notifié car il était plongé dans l'immobilité absolue des étudiants.

Et le temps s'arrêta. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant