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Ce qu'il fait chaud... 27 degrés en plein mois de mars, le soleil cogne sur notre tête après avoir passé la porte du grand hall du lycée.
« - Vive le réchauffement climatique... marmonne Charlie.
- Bah, qui va s'en plaindre, c'est une belle occasion pour faire un saut dans une piscine, je répond.
- Mouais. De toute façon je suis bien avec ma clim, bien au frais.
- Oui, dis toi que moi j'en ai pas, je me trimballe avec 2 ventilos qui font le bruit d'un A320, va dormir avec ça. Surtout qu'ils brassent de l'air chaud.»
Charlie et moi faisons le même trajet chaque matin et chaque soir. On habite la même rue depuis 7 ans maintenant, 7 ans que nous sommes meilleurs amis elle et moi. Elle est un peu casse bonbon des fois mais elle a toujours le sourire, ce qui a l'avantage d'être contagieux. Elle est la reine de la manipulation, elle sait amadouer comme personne. Bavarde et inattentive en classe, elle s'en sort malgré tout toujours sur son bulletin, les profs la croyant travailleuse et ne se doutant pas de ce qu'elle fait réellement au lieu de suivre ce fantastique cours sur les fonctions linéaires ou encore ces passionnantes poésies de Baudelaire (elle ne savait alors même pas de qui il s'agissait lors du contrôle, mais elle eut évidemment 17). Moi je me contente de la regarder faire ses pitreries, amusé, ou alors je dors sur ma table (les profs se montrent peu compatissants envers ma fatigue permanente due à mes insomnies elles mêmes dues aux jeux en ligne, Charlie joue donc le guet pour me réveiller en cas d'urgence, à savoir lorsque le dit prof se rapproche un peu trop dangereusement de la table). On est deux drôles de numéros tous les deux mine de rien, mais c'est sympa on passe du bon temps tout en aillant des discutions sérieuses, le fait que nous soyons proches permet de n'avoir aucun jugement (du moins très très peu) l'un envers l'autre. J'ai du mal à ne pas avoir avec moi ce genre de bouée de sauvetage, une personne qui fait plus que de rigoler avec vous, qui est là quand il y a vraiment besoin. Quand mon père est décédé il y a 4 ans, je ne sais pas ce que j'aurai fait sans elle. Je n'aurai probablement pas fait. Les 3 semaines entières que j'ai passé à jouer dans le noir dans ma chambre se seraient probablement prolongées de quelques mois, ma mère en ayant strictement rien à cirer de moi ou de ce qui pouvait bien m'arriver. Charlie avait été là chaque jours, à toquer à ma porte, me suppliant de sortir de là et de parler. J'étais alors sorti au bout de 3 semaines, j'avais ouvert la porte et trouvé Charlie endormie contre le mur d'à côté. Elle avait attendu des heures que je sorte ce jour là. J'avais également été là pour elle lorsque ses prétendues meilleures amies s'étaient subitement retournées contre elle le jour où elle a décidé de ne pas aller dans leur sens, pour une fois (elle a beau être douée dans la manipulation, il lui est impossible d'aller à l'encontre des idées de ses amies, peur de se sentir rejetée sans doute). Du jour au lendemain, plus de nouvelles, j'étais alors allé la voir. Elle était en pleurs sous 3 couvertures, son téléphone à la main tentant de dialoguer sur le groupe snap pour se faire pardonner, chose ridicule car il n'y avait rien à se faire pardonner. On ne s'est jamais réellement disputés, du moins nous avons eu quelques embrouilles mais rien de bien méchant. Des chamailleries sans importance.
« - Oh regarde Samuel! s'exclama Charlie en pointant un prospectus sur le tableau d'entrée.
- Berk on mange des lentilles demain à la cantine...
- Je ne parle pas de ça espèce de nouille. Regarde là.
- Oui un tournoi de sport. Et?
- Et? Mais c'est une occas ' en or! On pourrai tout défoncer en athlétisme, il y a une catégorie binôme!, s'extasie-t-elle.
- J'ai la flemme, en plus on va rater des cours regarde les horaires, je marmonne.
- Justement! Allez fais pas ton rabat joie!
- Non je n'ai pas envie, je dis simplement.
- Samueeeeeeel..., fit elle de plus en plus insistante.
- J'ai dit non.
- Pffff ben si c'est comme ça je vais me trouver un autre binôme.
- Bah, t'ira avec qui.
- Mes amies, fait elle d'un air supérieur.
- Lesquelles?, je la questionne.
- Hana, Emmy, Marla..., commence-t-elle a énumérer.
- Ah oui, celles qui t'on lâchées juste parce que t'étais pas d'accord sur une embrouille dans le groupe il y a même pas trois mois?
- Qui sont douées en course. Peut être même plus douées que toi.
- Elles ont été championnes de France à 8 ans dans la catégorie junior au triathlon d'Evian? Championnes régionales au 100 mètres haies?, dis je, heurté dans ma fierté.
- Et toc touché dans l'ego.
- Si tu comptais me convaincre en faisant ça..., je soupire.
- Oui.
- Eh bien c'est raté.
- Punaise mais Samuel depuis que ton père est plus là t'en fous pas une! Bouges toi un peu!, s'énerve Charlie.
- Ne parles pas de mon père, je fume.
- Mais vois la vérité en face! T'a arrêté subitement de courir quand il a disparu. Fais un effort ça dure que quelques heures...
- J'ai dit non Charlie bordel!, je la coupe, en colère. Fous moi la paix un peu!
- Tu veux que je te foute la paix? Très bien. »
Elle tourne les talons. Elle ne m'attend pas dans l'allée. Je la regarde de loin, agacé. Bon, ça suffit, je déteste quand elle ne m'attend pas, même si nous ne sommes pas dans de bonnes conditions.
« - Charlie attends moi!
- Ah bon je dois t'attendre maintenant? Je n'étais pas sensée te « ficher la paix »?
- Charlie c'est bon arrête un peu de... »
Elle est trop loin pour m'entendre. Et trop énervée pour faire un effort pour tendre l'oreille aussi. Et trop impatiente pour attendre que le feu des piétons passe au vert... Une petite fourgonnette, c'est pas aussi lourd qu'un camion. Mais c'est suffisant pour que Charlie soit percutée de plein fouet, produisant alors un gros boum assourdissant mêlé au bruit sourd des freins du véhicule ayant tenté de s'arrêter eu dernier moment.

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