Automne - chap. 2

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Auguste avait le museau plongé dans sa gamelle de croquettes lorsque Willa entra dans la cuisine, sourd et insensible à ce qui pouvait se passer autour de lui. A part lui, il n'y avait que sa mère et sa sœur dans la cuisine. Son père devait déjà être parti travailler. Willa n'avait pas remarqué l'heure en se levant, mais pouvait constater à présent que la mâtinée était plus avancée que ce qu'elle avait pensé.

- Bien dormi, ma puce ? , demanda sa mère Susan avec un sourire lorsque son aînée s'approcha pour l'embrasser.

Willa répondit par un son à mi-chemin entre le soupir et le grognement en déposant un baiser léger sur sa joue, puis se laissa tomber à sa place habituelle, à droite de sa petite sœur, qu'elle salua d'une pichenette affectueuse sur le nez.

Abigail était sa cadette de huit ans. C'était une petite fille menue, qui ressemblait, aux yeux de Willa, à un vrai petit lutin : elle avait hérité des beaux cheveux roux de leur mère, épais et bouclés à souhait, avec des reflets acajou, faisant ressortir sa peau parsemée de tâches de son, un trait qu'elle partageait cette fois-ci avec Willa. De même, les deux sœurs avaient des yeux noisette, cadeau génétique de leur père, à qui Willa ressemblait davantage de par ses cheveux bruns et lisses. Un autre détail chez la fillette qui rappelait souvent à Willa l'image d'un elfe du Père Noël : sa sœur était d'une nature joviale, arborant presque tout le temps un sourire solaire qui lui mangeait la moitié du visage. Même lorsqu'il lui arrivait de faire un caprice, ou que quelque chose la vexait, elle n'était pas de nature rancunière et ne parvenait jamais à faire la tête longtemps.

Mais étonnamment, aujourd'hui, ce n'était pas le cas. Abby ne répondit pas au bonjour de sa sœur, fronçant les sourcils devant son bol de céréales, ses lèvres tournées en une moue boudeuse et misérable, les bras croisés sur sa poitrine étroite. Willa allait ouvrir la bouche pour lui demander la raison de sa mauvaise humeur, avant de se rendre compte qu'elle la connaissait : Abby devait aller chez l'orthodontiste aujourd'hui pour se faire poser un appareil dentaire.

- Dis donc, Crapulette, c'est comme ça que tu dis bonjour, toi ? , demanda-t-elle en penchant la tête sur le côté pour mieux voir son visage renfrogné.

Abby poussa un grognement et baissa les yeux de son bol à ses genoux.

- Abby a décidé qu'une grève de petit-déjeuner serait suffisante pour ne pas aller chez le dentiste, déclara leur mère dans leur dos en mettant la bouilloire en route pour se faire un thé.

Willa tourna à nouveau le regard vers sa sœur.

- Ah bon ? Mais tes céréales vont être toutes dégoûtantes, après... tu vas avoir l'impression de manger de la pâte à papier, avec le lait... C'est maintenant qu'il faut les manger !

Joignant le geste à la parole, elle attrapa la cuillère d'Abby et la plongea dans son bol avant de la porter à sa bouche.

- Hmm... Non, ça va, estima-t-elle, elles sont encore bonnes. Si t'en veux pas, je les prends, moi !

Elle commença à tirer le bol vers elle, mais Abby bondit et l'attrapa à deux mains d'un geste possessif, ce qui fit pouffer Willa. Comme elle l'espérait, cela réussit à dérider quelques instants sa petite sœur.

- Pas touche ! , grogna Abby en entourant son bol de ses bras, luttant visiblement pour retenir l'ombre de son habituel sourire.

- Aha ! , s'exclama Willa avec une fausse tête sérieuse en fronçant exagérément les sourcils, le spécimen sait faire autre chose que tirer une tête d'enterrement !

Comme le reflet d'un miroirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant