Il était six heures trente du matin. Lucie Roussel était réveillée par ce bruit qu'elle détestait tant et qu'elle entendait pourtant tous les matins à la même heure. Elle aurait bien aimé se rendormir juste une heure ou deux mais malheureusement, elle n'avait pas le choix: elle devait se lever. Son réveil le lui ordonnait!
Elle s'approcha de son armoire, prit des sous-vêtements, un pantalon et un haut et partit à la salle-de-bain avant que ses frères ne se réveillent.
Elle se déshabilla et monta dans la cabine de douche. Le gaz froid et parfumé parcourut sa peau blanche et nue, commençant par les épaules, descendant sur le long de ses bras, courant jusqu'au bas de son dos, chatouillant ses jambes de la cuisse au pied. Elle ferma les yeux juste une seconde, durant laquelle elle se sentit comme coupée du monde.
Elle ressortit et s'habilla rapidement alors que son aîné Théo cognait déjà à la porte pour prendre la place. Lucie sortit de la pièce alors que son frère se faufilait pour lui succéder. Elle attrapa sa brosse et démêla ses longs cheveux descendant jusqu'à sa taille, couleur de bronze qui scintillait au Soleil.
Puis elle partit réveiller sa petite sœur Alzire, qui avait huit ans. Elle n'avait pas eu la chance de Lucie. Elle était sourde car elle n'avait pas d'oreille. C'était comme cela. C'était courant à présent.
Pourtant, depuis son plus jeune âge, elle subissait les dures moqueries de ses camarades car elle était différente. Alzire était une petite fille très intelligente mais en total décalage par rapport à ceux qui l'entouraient. Elle était constamment dans la Lune, à regarder vers le ciel avec ses petits yeux tristes qui semblaient à la fois éteints et pourtant vifs quand elle se tournait vers un autre monde. Lucie la secoua doucement en lui souriant. La petite fille s'éveilla en s'étirant de tout son long et contempla sa grande sœur avec un sourire en coin et des yeux encore endormis, à demi-clos et éblouis par les quelques rayons de Soleil qui commençaient à rentrer dans la pièce.
Lucie se décida à laisser Alzire se préparer et partit vérifier que Nico, son petit frère de douze ans, était bien réveillé. Et comme elle s'y attendait, il dormait toujours à point fermé malgré son réveil qui continuait de geindre à côté de ses tympans. Comme tous les matins, Lucie le retrouva dans une position improbable: la tête en bas qui dépassait du lit, ses jambes appuyées sur le mur et son corps tout de travers, la bouche grande ouverte et un petit filet de bave coulant au coin de sa lèvre.
Après l'avoir réveillé lui aussi, Lucie descendit à la cuisine où elle prépara quatre portions de cibus. Elle observait le pain sans goût gonfler dans le micro-onde. C'était tout ce que l'on mangeait désormais. Plus de viande, plus d'insectes, plus de poisson, plus de légumes, plus de graines, plus de bourgeons. Juste cette substance étrange appelée cibus et qui contenait tout ce dont un être humain avait besoin pour être vif, fort et en bonne santé.
Les quatre enfants déjeunèrent ensemble sans un mot. Après tout, ils n'avaient rien à se dire. Soudain, un signal retentit au loin et une lumière rouge se mit à clignoter au plafond: signe d'une annonce importante que tout le monde devait écouter. Théo tendit le bras et alluma le récepteur. Le message commença à défiler et à retentir :
"A tous les habitants du Grand Empire de France, l'Empereur Lucius Ier est décédé tôt ce matin. L'Empire est donc en deuil durant sept jours. Toutes les activités cesseront durant cette période. Suite à quoi Blanche Ière sera sacrée impératrice du Grand Empire de France. Tous les citoyens devront obligatoirement porter une tenue vestimentaire adaptée au Deuil Impérial durant toute cette semaine. Le Premier Empereur vous bénisse tous dans son immense générosité divine!"
- Divina gloria imperatorem! proclamèrent machinalement Théo, Lucie, Nico et Alzire d'une seule voix comme on leur avait appris à le faire depuis leur petite enfance.
Oui, même Alzire répétait cette phrase. C'était la seule qu'elle savait dire, la seule qu'elle devait absolument connaître.
Les Roussel s'observèrent encore un moment avant de monter chercher leurs habits de Deuil Impérial. Ils ne les avaient jamais portés, Léon Ier étant mort avant leur naissance. Il s'agissait d'une combinaison toute noire, simple, pour ne mettre que la tristesse en avant, pas la beauté.
Puis ils sortirent tous les quatre, silencieux, la tête baissée. La main d'Alzire tenait fermement celle de Lucie. Ils avançaient vers la place de rassemblement où se trouvaient déjà plusieurs dizaines de personnes, tous habillés d'un noir triste et obscur.
Isaac s'avança vers eux. Il était le meilleur ami de Théo, le grand frère de Lucie. Ils se connaissaient depuis l'école maternelle et avaient toujours été très complices. Quand il arriva à leur niveau, Isaac ne dit rien. Il serra la main de Théo, c'était un geste solennel que les deux garçons n'avaient jamais échangé avant ce jour.
Puis Kayla Wind, la meilleure amie de Lucie arriva, suivie ensuite des jumeaux Jules et Sonya Vineuil. Non. Personne ne parlait. Seuls quelques regards et quelques poignées de main étaient échangés.
Puis la musique commença. La musique du Deuil Impérial. Après trois heures à écouter cette musique lente et maussade, les gens repartirent chez eux peu à peu. A présent, il fallait se préparer pour le rassemblement général du lendemain qui avait lieu au Grand Palais de Prime.
Il fut convenu que les Roussel, les Vineuil, les Wind et Isaac feraient la route ensemble jusqu'à la capitale. Puis chacun rentra chez lui préparer son sac pour le voyage du lendemain. Le train partait à cinq heures trente et l'hommage commençait à huit heures. Il ne faudrait pas traîner!
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Je vous présente la famille Roussel, et Lucie, personnage principal de ce livre!Des retours sur ce chapitre?
-Chloé
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Les chroniques de Lucie
Science FictionDans un monde où tout à dégénéré, Lucie doit faire de son mieux pour s'en sortir. Dans un pays plus que très tendu, Blanche doit faire régner l'ordre. #10 dans famine le 17/05/2019