Les chroniques de Lucie

Chapitre 5

Au moment où Lucie, Kayla et Sonya revenaient dans le salon, la porte d'entrée s'ouvrit, laissant place à quatre jeunes filles.

A peine rentrée, sans avoir jeté le moindre coup d'oeil aux filles, la plus jeune qui devait avoir peut-être neuf ans lança:
- Il est mort. Romain est mort. On l'a retrouvé à deux rues de la place du palais, noyé dans son sang.

Timéo parut s'y attendre:
- Je lui avais pourtant dit que c'était une mauvaise idée. Non mais sérieusement?! Une arme à feu pendant la cérémonie par les temps qui courent? C'était du suicide.

- Je vous avais prévenu qu'il ferait ça, avant même qu'ils nous le disent. Je vous avais dit que tout ça finirait mal! cria une jeune fille de dix-huit ans environ. Je vous l'avais dit! Mais personne ne m'a cru! Encore une fois! Je commence à avoir l'habitude vous savez!

Et elle partit comme une furie dans l'escalier. La plus vieille des filles, celle que Lucie avait aperçue en train de parler à Timéo avant de venir les chercher s'exclama immédiatement:
- Non Cassandre attends! Reviens!

Mais la porte avait déjà claqué rageusement.

- Je crois qu'il n'avait plus grand chose à perdre pour faire ça... souffla la plus petite qui avait annoncé la mort de ce Romain.

- Quoi qu'il en soit, reprit Timéo comme si le décès de ce garçon ne l'affectait pas plus que ça, je vous présente Lucie, Kayla et Sonya.
- Je m'appelle Mélanie, dit la plus grande sœur. Bienvenue chez nous!
- Moi c'est Lola! dit la plus petite en souriant.
- Et je vous présente Desdémone, dit Timéo en désignant une fille de l'âge de Lucie et de ses amies.
- Et là haut c'est Cassandre! s'exclama Lola.
- Enchantées, répondirent machinalement Lucie, Kayla et Sonya.

La porte d'entrée s'ouvrit à nouveau sur une femme plus âgée, d'une bonne quarantaine d'années. Elle avait les traits tirés mais restait tout de même fort souriante.
- Bonsoir, murmura-t-elle. Je suis Madame Aldin! Faites comme chez vous mes enfants, dit-elle en s'approchant des filles.

Puis elle se recula légèrement. Timéo l'interrogea du regard. Madame Aldin fit non de la tête et baissa les yeux.
- Je m'en charge, dit fermement Mélanie, la soeur aînée.
- Mél non! Je t'ai déjà dit que si... commença Timéo.
- Laisse Tim. Une fois de plus ou de moins, ça ne changera plus rien. Et puis, il faut bien qu'on mange non?

Sur ce, elle se retourna et repartit dans la rue où il faisait déjà nuit.
Lucie, Kayla et Sonya n'osaient pas imaginer ce que signifiait cet échange.

Une heure plus tard, Mélanie revint les bras pleins de nourriture, les joues noires à cause du maquillage qui avait coulé de ses yeux.
Pourquoi Mélanie avait-elle pleurer? Lucie mourait d'envie de savoir mais elle ne dit rien.

Timéo lança un regard oblique vers sa sœur et serra les dents.
Il était presque vingt-trois heures quand tout le monde se mit enfin à table. Monsieur Aldin, qui était rentré enfin à la maison, s'installa en bout de table, face à sa femme.
Desdémone se tenait à droite de cette dernière, à côté de Cassandre, Mélanie et Lola. En face d'elles se tenaient donc Timéo, Lucie, Kayla, et enfin Sonya.

Tout le monde était serré à son voisin et peinait à remuer les coudes. Le dîner se passa dans le plus grand silence. On n'entendait que les bouches des uns et des autres mastiquer la nourriture.

Quand le repas fut terminé, Lucie, Kayla et Sonya montrèrent au grenier avec Mélanie et Timéo.
- L'une de vous devra dormir par terre, expliqua-t-il.
- Ça ne fait rien, ce sera parfait! dit Lucie avec un sourire.
Mélanie les aida à changer leur draps puis leur amena trois pyjamas propres.
- Merci infiniment! s'exclama Sonya. Vraiment!
- Je serai dans le salon si vous avez besoin de quoi que ce soit, dit Timéo avant de sortir de la chambre en suivant sa sœur aînée.

Kayla et Sonya prirent chacune un lit tandis que Lucie s'allongeait sur le matelas situé par terre.
- On est vraiment chanceuses qu'ils nous accueillent! chuchota Sonya.
- Tu as raison, répondit Kayla.

Lucie rêvassait déjà, les yeux fixés au plafond, les bras croisés derrière la tête. Elle se rappelait le coup de feu qu'elle avait entendu sur la place durant la cérémonie le matin même. Cet homme. C'était sûrement Romain. Il était mort maintenant.

Puis elle repensa à Timéo. Timy. Il fallait vraiment l'avouer, il n'était pas désagréable à regarder. Il avait dans le regard quelque chose de mystérieux qui empêchait la jeune fille de s'en détacher. Elle repensa au regard profond mais bref qu'ils avaient échangé ce matin en sortant du train. Qui aurait cru qu'elle finirait hébergée chez lui? Au fond, elle aimait bien s'imaginer qu'ils finiraient ensembles. Mais elle savait parfaitement que c'était impossible. Jamais une chose rêvée par Lucie ne s'était réalisée. Peut-être aujourd'hui serait-ce différent. Sûrement pas. Mais elle préférait s'enfoncer encore un peu dans une réalité fictive sans problème et pleine d'aventure et d'amour.

- Lucie tu m'écoutes ? s'exclama Kayla.
- Pardon j'étais ailleurs.
- Je vois ça, pouffa-t-elle. A quoi est-ce que tu penses?
- Oh... rien de bien particulier.
Sonya s'allongea sur le côté pour faire face à la jeune fille.
- Je t'écoute, dit-elle avec un grand sourire.
- Je t'ai dit, il n'y a rien. Je rêve encore.
- Et tu imagines quoi ce soir?
Lucie ne répondit rien. Un léger sourire se dessina au coin de ses lèvres.
- Ou à qui est-ce que tu penses? C'est peut-être ça la question, souffla Kayla.
- À Jules? demanda Sonya.
- Ton frère? Non! On n'est juste amis! Rien de plus!

- Alors il y a quelque chose en plus avec quelqu'un d'autre? insinua-t-elle.
- Peut-être notre cher Timy? suggéra Kayla.
Lucie ne put retenir un large sourire à la simple évocation de ce nom.
- Je ne sais pas pourquoi, je ne le connais pas mais j'ai l'impression que je peux tout lui dire. Que si on s'est rencontrés, ce n'est pas un hasard.
- Ah l'amour! souffla Sonya.
- Je rappelle que je ne le connais que depuis aujourd'hui.
- Dans ce cas c'est un coup de foudre! s'exclama-t-elle.

Et sur ce, elles éteignirent la lumière.