Einaudi

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« Est-ce que je t'ai demandé de continuer le morceau Cotentin ?! Non. On recommence. Répliqua Guillaume avant de se remettre en place avec un air dure dont il avait le secret. Et reste concentré.»

Aurélien bailla bruyamment du nez avant de faire une moue, il était bientôt minuit et cela faisait cinq heures qu'il bossait. Ses yeux se fermaient seuls et il avait mal à la tête. Travailler avec Guillaume Tranchant n'était pas une chose facile du tout. C'était même une épreuve qu'aurait pu faire Hercule dans ses douze travaux. Le danseur était lui aussi dans un mauvais état mais il ne voulait pas arrêter, pas maintenant. Il voulait aller à l'Opéra Garnier et aussi plus que tout apprendre à dompter la musique du jeune pianiste.

C'était une musique si douce, toute l'innocence de sa personne y était retranscrit mais il y avait aussi une sorte de rage mélangée à de la tristesse. Guillaume n'était pas très bavard et se fichait bien des autres mais cette ora l'avait tellement intrigué.

Alors qu'Aurélien posa ses mains sur le clavier avant de jouer. Une mattina de Ludovico Einaudi, compositeur et pianiste italien qui a notamment fait des musiques du film Intouchable. Les notes fusèrent doucement dans la pièce et Guillaume regarda droit devant lui avait de commencer.

Élan, double cabriole arrière, pirouette fouetté, pas de bourré, arabesque, chassé et cinquième.

Il enchaînait avec une aisance et une grâce chacun des mouvements avec une minutie calculée. Chaque pas parfaitement exécutés aurait fait pâlir les rats d'opéra. La musique l'emportait, il s'en imprégnait. Mais celle-ci lui criait tout haut qu'il était mauvais. Qu'il n'y arriverait pas. Guillaume devenait presque fou à cette idée. Il avait sous estimé ce garçon y'a une semaine. À chaque fois, il venait avec un grand sourire et son air un peu perdu puis qu'est-ce qu'il était énervant !

Il avait le don de mettre en rogne Guillaume rien qu'en respirant. Sa présence insoutenable mais essentiel torturait le danseur. Il se demandait souvent ce qui le retenait de lui faire manger ses pointes. Puis, le prix des chaussons de danse chez Repetto le ramenait rapidement à la raison. Pourtant au fond de lui, Guillaume trouvait Aurélien extraordinaire, sa musique l'envoutait mais son ego resurgissait rapidement.

Le premier jour, alors que Guillaume rentrait dans les douches collectives vides car il devait bien être onze heure du soir, il vit Aurélien arriver nue comme un ver pour aussi se doucher. Il avait lui crié dessus de partir tout de suite mais le pianiste se contenta d'hausser les épaules et de répondre d'un air innocent :

« Bah quoi ? La musique aussi c'est de l'effort. Et puis c'est des douches collectives Guillaume. Expliqua-t-il en allumant l'eau.

NE M'APPELLE PAS GUILLAUME ! avait renchéri tout de suite le danseur. »

Il se retourna pour être face au mur afin de ne plus voir le garçon et commença à se laver.

Le deuxième jour, ce fut le même crique sauf que Guillaume sursauta en poussant un cri quand il sentit le doigt du jeune homme s'écraser le long de sa colonne vertébral. Il se retourna rapidement les joues écarlates mais Aurélien se contenta d'éclater de rire.

« Je ne savais pas que tu avais des tatouages, je n'avais pas vu ! J'aime beaucoup. T'es un fan de Victor Hugo ou quoi ? »

Guillaume le regarda étonné qu'il ait compris d'où venait ses tatouages. Il en avait un le long de la colonne vertébral, il y était inscrit Melancholia avec une écriture comparable à un médecin. Sur son bras une fine ligne continue entourait son bras. Dans le creux du rein gauche était inscrit quelques vers en miniscule de la poésie en question :

O Dieu ! qu'il soit maudit au nom du travail même,
Au nom du vrai travail, sain, fécond, généreux,
Qui fait le peuple libre et qui rend l'homme heureux !

Guillaume commençait à se dire qu'il allait arrêter les douches avec son pianiste parce que cela devenait ambigu et puis si c'était pour se faire tripoter par ce gamin, non merci. Lui qui n'était pas tactile du tout, il se demandait qu'est-ce qui le retenait de lui faire bouffer son savon parce que ça, ça ne coûte pas cher.

Et combien de fois dans la semaine, Aurélien s'était-il endormi sur le piano ou ne suivait même plus la partition pour commencer à faire un concerto.

Tous ses éléments l'emmenaient à gueuler sur Aurélien qui répliquait aussi. C'est qu'il avait de la repartie ce garçon en plus de l'insolence.

Il secoua la tête pour se reconcentra sur sa danse et alors qu'il enchaîna une dizaine de pirouettes fouettée, sa tête se mit à tourner violemment. Guillaume s'arrêta d'un coup essayant de prendre son équilibre en attrapant la barre. Mais il la rata et s'effondra par terre. Aurélien arrêta de jouer d'un coup pour se précipiter vers lui pour s'accroupir et l'aider à s'assoir contre la vitre. Guillaume ne comprenait pas pourquoi cette sensation de vertige était apparu pourtant lorsqu'il faisait ses pirouettes, il veillait à bien que le regard et la tête tourne avant le corps. Aurélien, totalement paniqué, resta près de lui et lui proposa un gâteau ainsi que de l'eau. Guillaume le repoussa d'une main avant de se lever difficilement et de prendre son sac silencieusement. Il tituba sous le regard inquiet du jeune homme avant de claquer la porte.

Il descendit le petit escalier pour aller au vestiaire et se bloqua une nouvelle fois sur le glace. Il avait l'air d'un cadavre, ses cernes qui lui donnaient un air fatigué n'arrangeait rien.

Il se deshabilla avant d'entrer dans la douche mais il fut prit d'un autre violent vertige. Il se laissa donc glisser le long du mur pour terminer en boule nu sur le sol glacial des douches. L'eau voulant sur lui, il restait immobile.

Pourquoi ressentait-il ça d'un coup ?

La fatigue ?

Il ne devait pas flancher avant les auditions. Pas maintenant.

Mais cela ne l'empêcha pas d'éclater en pleurs dans Fly de Ludovico Einaudi raisonna en haut. Aurélien jouait, il y mettait beaucoup d'émotion cela se sentait dans le sol que produisait le piano. Il était triste, lui aussi. Mais pour une raison inconnu. Deux âmes tristes.

Nouveau chapitre, j'espère qu'il vous a plu. L'histoire est tout de même triste un peu mais ne vous inquiétez pas c'est pas comme ça tout le long et puis Aurélien a un secret~
(je tease oui)
Bisous !

Melancholia 『Orelgringe』Où les histoires vivent. Découvrez maintenant