Valli

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Guillaume salua les clients qui venaient de partir dans un anglais approximatif avant de souffler bruyamment. Il se retourna pour faire face à la salle qui était bondé. Il avait encore du boulot. Hortense, une de ses collègues, lui donna un coup de coude pour le sortir de sa réflexion :

« Prends la table 6, je prends la 9. Dit-elle en partant vers des clients.

— Hortense j'ai fini mon service là. Il est 20h.

— Oh nooooon, s'il te plaît occupe toi d'eux !! Rétorqua la jeune fille en se retournant les mains jointes pour le supplier. Guillaume roula des yeux.

— Je prends juste leurs commandes alors. Se resigna le jeune homme.

Promis, je offrirai un verre en plus. Mais un verre d'eau, j'ai plus une thune... »

Elle éclata de rire avant de saluer chaleureusement des clients japonais qui venaient d'entrée. Il souffla pour la énième fois de la journée avant de se tournée vers la table couverte d'une nappe blanche où était brodée en lettre d'or le chiffre 6. Quand il vit qui était attablé à cette table, il esquissa un sourire discret mais sincère ce qui était assez rare chez le jeune homme.

« Tu as fait tout Paris juste pour venir me voir Dorothée ? Dit-il en rigolant avant de s'assoir en face d'elle.  »

Une jeune fille l'attendait avec un grand sourire faisant apparaître deux petites fossettes sur ses jours. Ses cheveux épais presque crépus brun étaient coiffés négligemment. Ses yeux rieurs lui donnait un air malin. Elle était belle, très belle. C'est ce que c'était dit Guillaume la première fois qu'il l'avait vu lorsqu'il avait emménager chez Madame Adeline.

« Madame Adeline et moi ont a flippé de ne pas te voir rentrer cette nuit et comme tu répondais pas. J'ai voulu voir que tu allais bien surtout que je sais pertinemment que tu force trop. On va rentrer, je dois voir ta jambe Guigui ! Expliqua-T-elle finalement en rangeant ses affaires sur la table »

Contrairement à Aurélien, Guillaume n'avait pas son appartement à lui. Il vivait chez une vieille femme qui prenait deux étudiants à loger : Dorothée et lui. Il avait sa petite chambre dans le grenier. Il payait un loyer réduit et permettait de vivre convenablement dans la banlieue de Paris. Tous les jours, il devait prendre le tram pendant une heure pour aller à son boulot qu'il qualifiait souvent de "merde". Mais il aimait cette petite pension. Entre les bons petits plats de Madame Adeline et la tranquillité de Saint-Germain-en-Laye, Guillaume n'avait pas vraiment d'intimité, elles étaient constamment sur leur dos mais pourtant Guillaume ne piquait pas de rogne comme avec Aurélien.

Guillaume en avait besoin. Besoin d'affection, d'amour. Il était souvent seul. Malgré ses airs de loup solitaire insupportable, il était en froid avec ses parents suite à son choix d'abandonner ses études pour se consacrer à la danse. Ils n'avaient pas essayer de comprendre et avait très vite fait sous entendre que Guillaume devait partir de la maison. C'était ainsi qu'il s'était retrouvé chez Madame Adeline avec Dorothée.

Dorothée était étudiante en médecine pour devenir Ostéopathe, un métier qui aidait beaucoup Guillaume. Elle l'aidait à ne pas se faire un claquage et se faisait souvent soigner par la jeune femme.

« Je ne peux pas, j'ai ma prof qui vient ce soir et...

— Guillaume tu boîte...

—Arrête de dire des conneries Dorothée !  »

La jeune fille, vexée que le danseur lui parle ainsi, donne un léger coup de pied dans le mollet et Guillaume grimaça de douleur.

« Qu'est-ce que je t'ai dit hein ?

— Connasse...

— Je t'aime aussi mon Guigui. Elle se leva pour aider Guillaume à se lever. J'ai tout ce qui te faut pour te soigner, on va au conservatoire.

— Hum...  »

Guillaume se laissa faire sous les yeux perplexes des clients, de tout façon, elle était têtue comme une mule. Un peu comme lui d'ailleurs. Le trajet fut long : coincés dans le métro, une myriade d'escaliers et l'ascenseur du conservatoire en panne.

Arrivés dans les vestiaires où le calme régnait, elle l'allongea après qu'il se soit déshabiller gardant juste son caleçon et son haut. Dorothée ferma tout simplement la porte car personne ne venait à cette heure. Vue de l'extérieur cela pourrait être un début d'échange torride mais rien d'ambigu ne régnait entre eux.

Elle prit sa jambe et la massa pour voir d'où venait le problème. Elle était soudainement concentrée. Ses gestes étaient doux et mesurés. Rien n'était fait par hasard.

« Tu as mal ici ?

— Non.

— Et avec de l'honnêteté Guillaume ?

— Oui...

— C'est tendu en effet, j'ai la crème. »

Elle leva la jambe de Guillaume avant de l'appuyer vers le bassin tout en massant le muscle. Alors que le silence dominait, elle se mit à fredonner une petite mélodie. Le danseur reconnu tout de suite Can't take my eyes off you de Franckie Valli. Un classique des années 60, qui rentre facilement dans la tête.

Alors qu'elle faisait son travail avec soin, Dorothée décida d'aborder le sujet :

« Tu as dormi cette nuit ?

— Chez un ami. Répondit Guillaume en fermant les yeux l'air innocent.

— Il s'appelle comment ?

— Aurélien Coten... Je sais plus la suite...

— Wow, gros pote ça haha !

— Ça va hein. Il se mit à rire doucement. Non mais c'est pas vraiment un ami mais j'étais pas très bien hier et il m'a forcé à rester chez lui.

— Il est un peu flippant lui ? Demanda-t-elle en fronçant les sourcils toujours avec un sourire rieur sur le visage.

— Oui mais bon, je le connais, c'est pas comme si c'était un inconnu.

— Ouais tu as raison. D'ailleurs c'est qui exactement ?

— Mon nouveau pianiste, il doit bientôt ven...

— Salut, Guillaume me tue pas, je suis à l'heure même en avance pour les étirements. Franchement tu devrais me remer-. Cria la voix d'Aurelien qui ouvrit la porte en trombe mais qui s'arrêta quand il vit Guillaume en petite tenue en train de se faire tripoter par une jeune femme les mollets. J'ai rien vu, je suis innocent dans cette situation, je ne suis pas en position de voyeurisme je promets. Il partit en courant dans la salle de danse.

— C'est lui, Aurélien ? Montra Dorothée du doigt la porte d'où venait de partir le garçon.

— Hélas oui...

— Il est mignon !

— Insupportable tu veux dire. Répliqua Guillaume en croisant les bras.

— Dis le mec qui est aussi chiant que Sherlock.  »

Ceci lui valu un beau doigt d'honneur de Guillaume. La jeune fille se mit à sourire doucement avant de reprendre ses massages.

Il cachait bien quelque chose, ça se voyait, pensa-t-elle.

Melancholia 『Orelgringe』Où les histoires vivent. Découvrez maintenant