Mercedes Sosa

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« Tu ne bois pas ta bière Guillaume ? Demanda Claude en terminant la sienne.

— J'ai pas osé dire mais je ne bois pas. C'est mauvais pour la danse et mon corps. Dit-il en reposant la bouteille en verre.

Comme il est sérieux le petit rat d'Opéra ! Bon bah je la prends alors, Aurélien tu en veux une autre ?

— Non non ça va, je vais montrer ma chambre à Guillaume.  »

Il se leva en posant des deux mains sur ses genoux comme pour prendre son élan avant de se lever. Il s'étira en veillant à bien faire craquer chacune des vertèbres de son dos et tendit une main à Guillaume qui la prit d'un air assuré. Aurélien se mit à sourire quand il vit que le danseur avait repris de sa vivacité. Malgré les jambes tremblantes de Guillaume, il arrivait à marcher même si un appui ne serait pas de refus.

Ils descendirent le petit escalier en bois pour arriver sur un grand couloir avec trois portes. Aurélien en ouvrit une sur une chambre assez grande mais surtout en bazars complet. Mais c'était ce genre de bazard organisé qui montrait la réelle personnalité du jeune pianiste. Un deuxième piano, plus petit cette fois, avec des centaines de livres autour. Le bureau recouvert de papiers annotés et de CD. Le lit trônait fièrement au milieu, lui aussi n'avait pas été épargné par les affaires du jeune homme. C'était un bazard artistique, c'était le mot qui qualifiait exactement cette chambre. Aurélien se gratta la nuque gêné de montrer son cocon avant de se baisser pour ramasser les feuilles qui traînaient au sol pour les poser sur le piano. Le plus jeune bougeait dans tous les sens pour rendre sa chambre le plus rapidement possible. Il tira les rideaux pour ouvrir sa fenêtre afin d'aérer la pièce. Un vent frais entra dans celle-ci faisant frétiller les posters mal accrochés aux murs. Guillaume restait au seuil de la porte à observer chaque élément de décoration. Toutes ses feuilles étaient des partitions, il en était certain. Aurélien, malgré son air penaud, était un bosseur. Toute cette chambre le montrait.

Guillaume avança ignorant Aurélien qui essayait difficilement de faire son lit correctement. Il balaya du regard tout ce qu'il y avait sur son bureau avant de s'arrêter sur une fiche d'inscription pour un concours prestigieux de piano. Le formulaire était déjà remplit mais pourtant toujours pas envoyé. Le danseur la prit entre ses mains avant de la tendre sous le nez du concerné :

« Tu vas y participer ?

— Tu t'intéresse à ma vie maintenant ? Répondit Aurélien par une autre question.»

C'est vrai que Guillaume n'avait jamais vraiment voulu savoir plus sur Aurélien. Tant qu'il jouait au piano, c'était bien. C'est tout ce qu'il attendait. Qu'il est une copine ou non, il s'en contre fichait. Il préférait rester le plus neutre possible pour ne pas avoir de problème.

Il le fixa avec un regard supérieur et remit une mèche de cheveux qui partait derrière son oreille avant de poser l'inscription.

« Je voulais juste être poli.»

Le plus jeune le toisa avant de lever les yeux au ciel, il ne changera jamais Guillaume. Puis il se remit à ranger, le plus vieux ne l'aidait même pas. Il préférait le regarder sans dire un mot ou regarder dans ses affaires. L'ambiance était très pesante. Au bout d'une dizaine de minutes, Aurélien termina de cacher tout ce bazard et il s'affala sur le tabouret de son piano pour souffler un peu.

« Piouf... Terminé... Dit-il avec un grand sourire. Il se tourna vers Guillaume avant de faire une moue boudeuse. Je te donne ma chambre cette nuit. Profite, elle est rangée. »

Il ne laissait même pas le temps à Guillaume de répliquer, qu'il se leva et claqua la porte. La danseur resta seul, un moment interdit. Une brise vint lui caresser doucement le visage bougeant quelques mèches qui se mirent devant ses yeux. Il marcha vers le lit avant de s'y allongé en silence. Il pouvait entendre la voix grave de Claude et le rire d'Aurélien. Guillaume fouilla dans sa poche pour prendre son portable et ses écouteurs. Il chercha longtemps dans sa playlist une musique capable de l'endormir. Il trouva enfin la musique qu'il souhaitait écouter : Alfonsina y El Mar de Mercedes Sosa.

Les premières notes se jouèrent et Guillaume ferma les yeux doucement. Il se laissa bercer par les douces paroles espagnols de la chanteuse. Sa respiration se calma tout comme son corps qui se relâcha automatiquement. Peu à peu à musique se fit de moins en moins présente et le sommeil l'emporta. Il était beaucoup trop fatiguée. Ses nombreuses nuits d'insomnies l'épuisaient. Alors quand il s'endormit, il ne lutta pas. Tous ses problèmes s'estomperent.

Il dormit bien cette nuit là, dans les draps de son pianiste. Une vraie bonne nuit qu'il n'avait pas eu depuis longtemps.

Le lendemain matin, il fut réveillé par le soleil, il avait oublié de fermer la fenêtre. Il papillonna des yeux avant de regarder autour de lui. Il se remémora les souvenirs vagues de la veille avant de sortir du lit difficilement. Le danseur se dirigea dans le salon, il vit de dos Claude qui était en train de parler seul devant un aquarium.

« Bien-sûr que je vais te nourrir mon petit Voltaire ! Tiens plein de petites paillettes de bouffe.

— Vous avez appelé le poisson Voltaire ? Demanda Guillaume pas trop conscient de là où il était.  »

Le violoniste se retourna et se mit à rire en voyant Guillaume totalement dans les vapes. Ses cheveux en batailles et totalement debraillé. Le danseur se regarda dans le miroir pour essayer de s'arranger un minimum alors que Claude terminait de nourrir le poisson.

« Il est quelle heure ? Interrogea Aurélien qui venait tout juste de se réveiller et de rentrer dans la pièce. »

Le pianiste n'était pas mieux, il portait un t-shirt beaucoup trop grand pour lui avec un bas écossais de la même taille. Ses cheveux négligemment ramassés en une mini queue de cheval avec des mèches devant son visage. Il se frottait les yeux énergiquement avant de se diriger vers la table où le petit déjeuné trônait déjà après avoir salué Claude et Voltaire avant de s'affaler sur la chaîne.

« Il est 10h, Orel. Répondit le violoniste en se servant un bol de céréale.

— QUOI ?!  »

C'était Guillaume qui venait de crier faisait sursauter au passage le plus jeune. Le danseur se mit à courir partout pour récupérer ses affaires en marmonnant des choses incompréhensibles. Puis il se dirigea vers la porte et avant de la claquer, il regarda dans les yeux Aurélien en lui déclara :

« Je suis à la bourre pour mon boulot. Ce soir, 21h, pas de retard. Y'a ma prof qui sera là. Elle est exigeante. Tu es en retard, je te tue. Menaça-t-il en le montrant du doigt. Et merci pour le lit ! Au revoir Claude !

— Bye bye ma poule. Salua le concerné en rigolant.  »

Il claqua la porte avant de dévaler les marches deux par deux laissant un Aurélien abasourdi par le sommeil et l'agitation dès le matin de Guillaume. Il avait un boulot ? Quel genre de boulot ? Un boulot chiant sûrement comme cadre dans une entreprise ou banquier.

Alors que Aurelien se mangeait avec appétit ses céréales discutant avec son poisson, le plus vieux arrivait en courant au Café de la Paix près de l'Opéra Garnier par la porte des employés pour se changer rapidement pour enfiler une chemise, un pantalon noir, des chaussures noirs et un tablier de serveur. Il venait pile de commencer son long service de 8h. Comme chaque jour, Guillaume, grand danseur rêvant de l'Opéra Garnier, était serveur en face de son rêve presque inatteignable.

Melancholia 『Orelgringe』Où les histoires vivent. Découvrez maintenant