Chapitre 3

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Le temps semblait s'être figé, comme les particules qui scintillaient dans l'air avaient subitement cessé de bouger. Le regard de Chanyeol était fixé sur la silhouette gracile de Baekhyun, prostrée aux pieds de la reine des fées, ses orbes autrefois malicieux paraissant s'être éteints momentanément. La main de la dirigeante parcourait distraitement la chevelure blonde vénitienne, comme l'on caressait la fourrure d'un vulgaire animal, pour le simple plaisir de sentir sa soumission dans le creux de sa paume. Les yeux vicieux de la femme, ornés de paillettes dorées, contemplaient hautainement le forgeron, pareillement au regard que l'on portait à un misérable insecte dont on se lassait déjà de la présence.

Chanyeol éprouvait l'envie désagréable de se terrer au fin fond des bois pour échapper à cette observation minutieuse. Il avait l'impression que chacune de ses pensées était sondée, que l'intimité de son esprit ne lui appartenait plus, entièrement dévoilée, impudique, aux perles glaciales de la reine. La gêne lui enserrait le coeur, et voir la position adoptée par Baekhyun ne contribuait nullement à chasser son embarras, bien au contraire. Son propre malaise était amplifié par l'horreur qu'il éprouvait à la vue épouvantable d'un être libre enchaîné au bon vouloir d'une femme qui ne lui inspirait que malaise et méfiance. Evidemment, il avait conscience de porter un jugement entièrement fondé sur de maigres observations, il n'avait aucune preuve de ce qu'il avançait en fin de compte. Mais étrangement, pour une raison échappant à son esprit en alerte, il avait l'impression qu'il n'avait guère besoin de plus. Un pressentiment pressant, une nausée étourdissante, des sueurs froides, tout lui criait que quelque chose clochait dans les rapports qu'entretenait la reine avec Baekhyun.

Comment était-il possible que cette fée pétillante et pleine de vie, se réduise à l'état de simple objet décoratif en l'espace d'une fraction de seconde ? Chanyeol avait vu la flamme s'éteindre subitement, cette même lueur surnaturelle qui donnait à Baekhyun un regard si singulier, luisant d'une vivacité chatoyante. Le forgeron éprouvait l'envie indescriptible de se précipiter vers le petit être pour l'éloigner de cette emprise malsaine, la vue de ce faciès figé à la manière d'une statut de marbre était insupportable.

Pourquoi se sentait-il aussi responsable ? Il ne connaissait Baekhyun que depuis quelques minutes pourtant, quelque chose en lui hurlait au devoir, un sentiment déraisonnable, impulsif sans le moindre doute, mais contre lequel il ne pouvait lutter. Chanyeol était un homme bon, probablement sa bienveillance l'incitait-il à se révolter, le terme "inconnu" n'avait plus la moindre valeur, le statut d'être vivant passait bien avant sa méconnaissance. Baekhyun n'était pas simplement une fée dont il ignorait tout, mais une créature méritant considération et respect, pas un animal que l'on gardait aux pieds, fermement muselé.

Il avait envie de faire entendre sa pensée à cette reine un peu trop hautaine à son gout, néanmoins, alors qu'il s'apprêtait à ouvrir la bouche pour vivement protester, la dirigeante leva une main dans sa direction, un sourire méprisant étirant ses lèvres brillantes.

-Humain, tu apprendras que personne ne prend la parole sans mon autorisation. Alors si tu as quelque chose à dire, veille bien à avoir mon approbation préalable.

Le léger tremblement de sa voix assurée indiqua une note de colère qui n'échappa pas aux oreilles du forgeron. Visiblement, la reine souffrait d'un ego surdimensionné et d'une estime de soi un peu trop exacerbée, mais Chanyeol ne voyait pas pour quelle raison il devrait se plier à son bon vouloir, il n'était pas l'un de ses sujets après tout.

-Veuillez m'excuser Votre Altesse, répondit-il avec ironie, mais je pense que l'absence d'oreilles pointues me dispense de ce genre de contrainte.

Chanyeol avait beau être un homme respectueux, il jugeait que la considération se devait d'aller dans les deux sens, supériorité hiérarchique ou non. Ses principes avaient parfois tendance à prendre le dessus sur son instinct de conservation. Il était évident que s'attirer les foudres du dirigeant de ce royaume n'était pas l'idée du siècle, mais c'était plus fort que lui.

𝐹𝑎𝑖𝑟𝑦 𝑇𝑎𝑙𝑒𝑠  │ ᶜᴴᴬᴺᴮᴬᴱᴷOù les histoires vivent. Découvrez maintenant